BSF J7: les Tindersticks royaux

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Hyphen Hyphen tente d’arrêter la pluie mais c’est Tindersticks qui y parvient, devant une Place des Palais trop vide.

Bienvenue en Belgique où la météo d’été est plus menteuse que les promesses de José-Manuel Barroso. Pour arrêter la flotte persistante, les niçois d’Hyphen Hyphen déploient la grosse artillerie en la personne de la chanteuse Santa, improbable fusion d’Abba et d’Iggy Pop. Sur la géante scène d’une Place des Palais modestement garnie sur le coup de 18h40, la blondeur en lamé enlève ses godasses, minaude, glousse, se gondole, s’agite, saute et resaute, jette les bras en l’air et une question au public, « Voulez-vous tous faire partie de nous? ». Plus tard, c’est moins métaphysique via « Je me prends pour Beyoncé » ou encore « Peut-être on peut danser? ». Autant d’idées mises en pratique sur Just Need Your Love ou Cause I Got A Chance, electrofunky décoré de choeurs laiteux, qui a du mérite, pas seulement parce que la frénésie généreuse de Santa est l’équivalent féminin du lapin Duracell. Cette fille marrante pourrait vendre de la pluie aux saoudiens mais là, elle s’offre pour pas un rond au public bruxellois.

Bonne idée d’installer quelques concerts au Club, morceau de salle à colonnades dans le néo-classique Hôtel de Grimbergen, 2 Place Royale. Intime cocon de fin XVIIIe adapté aux chansons de Lylac, mélodies océanes flattant les humeurs vagabondes de l’amour fait ou défait. Accompagné d’une violoncelliste à l’oeil de biche (pléonasme), il dissèque son attrape-coeur avec conviction, joignant à son répertoire bilingue, la reprise de Lilac Wine, rendu fameux par Nina Simone et Jeff Buckley. Charmant. Mais pourquoi, à peine le set terminé et le bar échauffé, fermer la salle alors qu’il est 19h30? Un truc con à la belge, çà. On file vers Le Mont des Arts où le maroxellois Anwar présente ses bouts de soleil funky devant des rangs clairsemés: dommage parce que sa voix vinaigrée mérite quelques sympathies radiophoniques.

La Madeleine est une salle qui enrobe ses spectateurs, littéralement, et les téléporte vers sa scène basse incurvée. On attend toujours l’ouverture du balcon -fauchée la Ville de Bruxelles?- histoire de renouer complètement avec les fantômes formidables des seventies qui s’y sont produits, Golden Earring, Van der Graaf Generator ou les Doors (sans Morrison). Bon, en attendant le concert de ce jeudi de La Grande Sophie -zappée parce que vraiment trop soulante avec les photographes- on capte quelques titres d’Anne Sila, une rescapée de The Voice France qui sonne comme une rescapée des années septante. La dialectique nous échappe quelque peu, on s’esquive.

D’autant que pour nous, le BSF du jeudi, c’est moins Keziah Jones -agitéfunkylagosien bourrant jusqu’à la gueule le Mont des Arts- que Tindersticks, miscasting du jour. Selon l’organisation, le groupe a tenu à jouer à la Place des Palais qui, rappelons-le, est une longue frite de 350 m sur 70 coincée entre le Parc Royal et le bureau du roi des Belges. Là, sur le coup de 20h15, l’agora n’est qu’au quart remplie, pour l’un des meilleurs ambassadeurs neurasthéniques des vingt dernières années. Qualificatif exagéré pour des chansons qui semblent vouloir recouvrir les spasmes du monde d’un spleen infini, la douceur-lenteur offerte en proverbial remède. Le fin quintette anglais est mené par Stuart Staples, Buster Keaton devenu chanteur, pour des sensations faussement feutrées qui attisent souvent une forme rampante de plaisir funky. On regarde tout le splendide concert, un rien hébété par le surréalisme de ce répertoire de l’intime balancé aux pavés venteux, la pluie s’étant enfin arrêtée. Peut-être pour consoler ces sorciers de la mélancolie apprivoisée qui garderont un curieux souvenir de la soirée bruxelloise.

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