Critique | Musique

Ce qu’on pense du disque-surprise de Beyoncé, 800.000 ventes plus tard

Beyoncé © Parkwood Prod
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Prenant tout le monde de court, Beyoncé Knowles sort un nouvel album culotté, toujours très contrôlé mais plus ambitieux que jamais. Float like a butterfly, sting like a Bey…

C’est assurément l’un des faits marquants de l’année écoulée. Alors que l’on pensait le principe dépassé, 2013 a remis au goût du jour l’idée que la sortie d’un album puisse être un événement en soi. A chacun sa technique. Daft Punk ou Arcade Fire ont par exemple misé sur le teasing mystère, décliné à coups d’énigmes et de messages sibyllins. L’autre démarche a consisté à jouer sur l’effet de surprise. En mars dernier, David Bowie sortait son premier album depuis dix ans. Même principe pour les chansons bruitistes de My Bloody Valentine, balancées du jour au lendemain, alors que le groupe n’avait plus rien sorti depuis 1991. C’est aujourd’hui au tour de Beyoncé. Sans prévenir, la star a lâché quatorze nouveaux morceaux sur iTunes. Elle a même poussé le bouchon un peu plus loin: présenté comme un « album visuel », Beyoncé est accompagné de 17 vidéos. Une autre manière de souligner que la pop en 2013 peut encore s’incarner dans autre chose qu’un fichier mp3… Et ça marche: 430.000 exemplaires sont écoulés en un jour.

Girl power

Ce qu'on pense du disque-surprise de Beyoncé, 800.000 ventes plus tard

Le geste en dit long sur le pouvoir qu’a acquis Beyoncé dans l’industrie du disque. Qu’une telle manoeuvre ait pu aboutir relève en effet du tour de force -on n’ose pas imaginer les clauses de confidentialité qu’ont dû signer les nombreux intervenants. Le plus impressionnant dans les quatorze titres proposés ne se situe cependant pas dans leur présentation. Pas uniquement du moins. La vraie surprise de Beyoncé est la nouvelle liberté artistique prise par Mrs Carter. Le disque précédent, intitulé 4, avait déjà donné une série d’indices: il y était moins question d’un recueil de singles que d’un véritable album, la star en profitant pour commencer à fissurer le moule. Le voilà aujourd’hui définitivement brisé.

Sans tube évident, Beyoncé est un disque de r’n’b audacieux, multicouches et libéré, piochant aussi bien dans la soul ombrageuse à la Weeknd (Haunted, Drunk In Love avec son Jay-Z de mari) que dans des couleurs pop plus lumineuses (Superpower, l’emphase de XO). Agée aujourd’hui de 32 ans, la fille aînée des Knowles n’a jamais chanté aussi bien, variant les humeurs comme rarement auparavant. Minaudante sur le très nineties Blow, elle se fait carrément lascive sur No Angel, voix étranglée au bord de l’orgasme. Auparavant, Beyoncé avait besoin de deux disques pour exprimer ses paradoxes (I Am… Sasha Fierce). Aujourd’hui, elle les assume et passe de l’un à l’autre sans que ça gêne. Ballade nu soul à la D’Angelo/Prince, Rocket ne fait même pas semblant de masquer ses intentions: « Climb until you reach my peak, babe/And reach right into the bottom of my fountain », se laissant même aller à un « Punish me, please »… Plus loin, elle montre que la charge sexuelle n’est pas incompatible avec ses revendications féministes –Pretty Hurts, écrit par Sia (« It’s the soul that needs a surgery »).

Certes, Beyoncé reste Beyoncé: si l’émancipation est bien réelle, rien ne dépasse pour autant du cadre. Aussi maîtrisé et contrôlé soit-il, son 5e album surprend malgré tout à chaque morceau, dévoilant des choses que l’on n’attendait pas forcément d’elle.

  • BEYONCÉ, BEYONCÉ, DISTRIBUÉ PAR SONY.
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