Critique | Musique

Benjamin Biolay, les yeux de Volver

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le second chapitre argentin de BB flirte davantage avec le son urbain, jamais loin d’autres aventures, celles des romances compliquées.

Volver, « revenir » en espagnol, contient quinze chansons imprégnées du jus Biolay, maté fermenté paraissant tout juste un an après l’album frère Palermo Hollywood. Si l’apport argentin est toujours réel, ce disque-ci puise moins dans les racines de la cumbia que dans l’invitation lancée à quelques artistes locaux d’urbaniser un style par essence fracturé. Comme si s’installer dans un autre cadre géographique permettait aussi à Biolay de traiter tranquillement ses sujets de préoccupation, en gros l’âge qui file et les amours qui (se) défilent. Pas forcément dans le drame puisque Volver s’ouvre sur Encore encore, où l’ex Chiara Mastroianni partage un rock seventies questionnant l' »amour toujours« . Le dandysme de Benjamin -44 ans depuis janvier- ne réinvente pas grand-chose sur les thèmes liés au processus de vieillissement ou de séduction, mais il les livre dans une forme d’auto-analyse plutôt dénuée de complaisance. Même si l’humour et la distance ne sont pas son fort: Monsieur Biolay est Français, ne l’oublions jamais.

Happy Hour et L’alcool l’absence chassent différemment les degrés vaporeux: la première parle de Paris comme d’une ville tanguant sous ses excès alors que se désaltère d’une soif sans fin le buveur. C’est lui aussi qu’on retrouve dans le second titre, « desperado bourré comme un radeau », cherchant un Nord perdu. Et l’alcool comme soin palliatif, incapable de cimenter les fissures des liaisons amoureuses. Biolay chante le désir à la manière d’une fièvre rampante, dont on ne sait jamais trop quand elle va offrir poussée ou répit. La Mémoire, par exemple, joue de ces langueurs incertaines nées dans la relation en perdition: « il y a bien quelques soirs où la mémoire recrée ta petite robe noire et ton grain de beauté », susurre l’homme blessé secouru par les violons charitables. Tour de passe-passe d’un musicien qui, une fois de plus, distingue ses qualités d’arrangeur-prestidigitateur hétéroclite dans le vaste champ des sonorités choisies: reggae, cabaret latin ou pas, pop, folk acoustique et même à deux reprises, un shot d’auto-tuning emprunté aux irritants PNL. Tout cela participe à la fabrication de l’artiste en humanoïde périssable, dessiné par procuration dans la reprise d’Avec le temps de Ferré. Et dans la chanson-titre de l’album, ce Volver évoquant les rêves d’enfance devenus réalité: « Je voulais faire tout comme les riches/En les maudissant au fond (…) La vie n’aime pas qu’on la regarde dans les yeux/Elle peut te faire croire par mégarde/Qu’elle est deux/Mais elle n’est qu’une/Sans rancoeur ni rancune ». Dorian Gray a encore un peu d’avance.

Benjamin Biolay , « Volver »

Chanson. Distribué par Universal. ***(*)

En concert le 29 juin à l’Ancienne Belgique, www.abconcerts.be

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