Bayacomputer!: « Pourquoi la folie? Parce qu’elle est partout »

Steph'O'Maltine (Nico), T. Raznor (Thomas), Au Tys (David)... La folie aux portes du Water Moulin. © Julien Broquet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

À l’affiche du Rockerill Festival, le groupe tournaisien Bayacomputer! questionne la démence de nos sociétés sur un album de rock à synthé schizo. Rencontre assortie d’un nouveau clip en exclusivité.

Le guitariste/claviériste, fan absolu d’André Brasseur, est l’une des chevilles ouvrières du Water Moulin. Le bassiste y répétait avant que ce ne soit un lieu de musique underground. Et le batteur connaît le chemin du frigo. Enfant d’une Factory tournaisienne qu’on aurait croisée avec le CBGB, une maison de jeunes rock’n’roll et le troquet crado du coin, Bayacomputer! a quelques jolies dates à son calendrier. La première partie de Calypso Valois, la fille d’Elli Medeiros et Jacno, à la Maison de la culture de Tournai. Le Rockerill Festival, avec entre autres An Albatross et Cannibale – « Dis pas qu’on connaît les boss, sinon on va croire qu’on s’est fait pistonner… » Ou encore le Rock Zerkegem, le festival à un euro la pinte entre Bruges et Ostende…

« Tout a commencé avec Charles (le batteur de Mountain Bike, NDLR) et moi-même, retrace Thomas Rasseneur de Spagguetta Orghasmmond et d’Unik Ubik, à ses heures perdues cameraman pour la télé locale. Charles travaille dans l’usine de son papa juste à côté… Il voulait rejouer dans le Tournaisis et comme la sauce a pris, on a embarqué David à la basse pour compléter le son. David est fan de moi depuis qu’il est tout petit… »

En avant-première, le clip de Discoglass fait de collages et de stop-motion:

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Selfie-stick, selfie-stick, fantastic…

Croisé dans Japans, David fut l’un des premiers chanteurs de Sects Tape, un groupe punk couillu comme un caribou qui joue sous des cagoules du Ku Klux Klan rose fluo. « On lance pas un projet au début. On joue ensemble et puis on va manger un bout. L’envie à la base, c’était d’ailleurs plus proche de Fugazi que de ce qu’on fait maintenant. » « Fugazi avec un clavier », rigole David tandis qu’ils retracent l’enregistrement de leur premier 45 tours, Stevie Smith, dans un chalet de jardin.

Depuis le temps, Nico (Miss Tetanos, Spagguetta Orghasmmond) a remplacé Charles et Bayacomputer! enregistré son premier album. À la croisée du post et du synth punk, de la no et de la new wave, un phrasé rap par-ci et des sonorités arabisantes par-là, Discoglass est un fameux et joyeux bordel. On y chante en anglais, en français, en allemand. Puis aussi en espagnol grâce à Élodie Moreau, prof à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai qui expose jusqu’au 20 mai au Clignoteur (Bruxelles) ses recréations d’objets gardés, témoins poétiques de nos passés… « C’est à elle qu’on doit les pochettes peintes de Spagguetta, raconte Thomas. Dans le temps, elle avait ce groupe, Momo Lamana, un duo primitif rock’n’roll. Les Cramps tournaisiens. Un de ses textes sur l’album est la traduction Google de La Vie en rose . Elle chante Piaf en espagnol sur un morceau qui s’appelle Fwench . Sur BRNSTRMG , c’est un bouquin que j’avais chez moi. Genre méthode d’apprentissage de l’espagnol: « Pierre et Marie se sont rencontrés, vont à la piscine…  » Les paroles étaient déjà absurdes de toute façon. »

« Selfie stick, selfie stick, fantastic. Selfie stick, selfie stick, just magic… » Débridé, dansant, sans complexe, Discoglass (la chanson) épingle la perche nombriliste des temps modernes. « Pas d’histoire particulière. Juste celle d’une génération perdue. Les jeunes tout le temps sur leur téléphone. Je me souviens d’une image, au Louvre, je crois: un tas de gens se bousculaient devant un tableau. Tout le monde était là avec son GSM. Il y avait même des gardes du corps autour de la toile. Toute la stupidité de notre époque. » Nico: « Tu as achevé les paroles du morceau en entendant à la radio qu’à Venise un mec s’était noyé pendant que tout le monde le filmait. »

Bayacomputer!:

Derrière son humour décalé, son surréalisme de déglingué, Bayacomputer! est plus réféchi qu’il n’y paraît. Quasi toutes les paroles de l’album tournent autour de la folie. « Pourquoi la folie? Parce qu’elle est partout. On vit dans un monde de déglingos. Les journalistes, déjà, sont complètement tarés. Les casseurs ont gâché le premier mai. Les Black Blocs, c’est des méchants… Si ça c’est pas dingue. Charleroi aussi, c’est fou. Les gens sont mabouls. Mais la folie du disque, c’est celle des gens qu’on pousse à bout. C’est le burn out. Tu peux être normal et du jour au lendemain te retrouver dans un hôpital psychiatrique. »

Vous pensez à Michael Douglas qui perd la boule dans Falling Down. Thomas, lui, au film à sketches argentin Les Nouveaux Sauvages. « Tu as le mec qui va chercher le gâteau d’anniversaire de sa fille. Il se retrouve avec un sabot sur la roue de sa bagnole. Et puis, à la fin, il fait exploser la fourrière. Tu vois le truc? Il y a un enchaînement d’événements qui lui font péter un câble. » Avant de s’en aller vivre à Aachen (« on l’a foutu dans les bras d’une Allemande lors d’un concert au Rockerill et maintenant voilà »), David bossait comme éducateur avec des autistes et des schizophrènes. « Psychotic House , le titre d’ouverture, c’est vraiment un déballage de la profession que j’avais ici en Belgique. Comme j’entendais des cris, des bruits dans l’institution, on a voulu y enregistrer des sons. La direction n’a pas voulu. » Si Mal parle de la folie d’amour et Recipe Me détaille, tel une recette de cuisine, comment fabriquer un vrai psychotique, la dernière plage du disque, Fire Truck, pousse le bouchon encore plus loin… « C’est l’histoire d’un gamin qui n’aime pas son cadeau de Noël. Tellement déçu qu’il en vient à tuer ses parents. Une grosse caricature des trucs de tarés qui peuvent se passer aujourd’hui. » A mad mad world…

Discoglass, distribué par Love Mazout/Rockerill Records/Aredje/Whosbrain Records. ***(*)

Le 26/05 à la Maison de la culture de Tournai, le 02/06 au Rockerill festival à Marchienne-au-Pont, le 15/06 aux Bulles (LLN), le 21/07 au Rock Zerkegem, le 03/08 au Micro Festival (Liège) et le 18/10 au Magasin 4.

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