Allez Allez revient pour secouer trois décennies de poussière

Allez Allez © PHILIPPE CORNET
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Début des années 80, les Bruxellois Allez Allez connaissent un vrai début de gloire internationale avant que leur chanteuse anglaise n’enterre l’affaire. Trois décennies plus tard, le groupe réussit l’improbable retour funky.

23 juin début de soirée, salle Zik-Zak, Ittre, Brabant Wallon. Laurence Bibot explique comment le fiston Roméo Elvis a pendant deux ans refusé que ses parents ne viennent le voir en concert. « J’ai fini par y aller, en cachette, à Dour, en me dissimulant derrière un poteau, et j’ai été bluffée…« On aime les surprises musicales chez les Van Laeken-Bibot puisque Marka, pater de Roméo, s’apprête via une « répétition publique« , à réanimer le défunt Allez Allez, mort en 1984 après deux albums annonçant une carrière possiblement costaude. « À l’époque, on s’est retrouvés dans les bureaux londoniens de Brian Carr, l’avocat des Sex Pistols qui avait préparé les statuts d’une société qu’on devait monter en Angleterre, Jewelsnow Limited, et Herman Schueremans (1), pressenti pour devenir notre manager, nous accompagnait. Tout était prêt pour mettre une machine de guerre en marche. On était cons mais pas méchants, des gamins.« Qui jouent tellement aux branleurs brusseleir pendant la réunion qu’à la sortie, Schueremans décline le management. Ce qui n’empêche pas Allez Allez de triompher dans la foulée à Torhout puis Werchter, sauf erreur premier band francophone en guest du festival flamand alors jumeau. Trente-cinq ans après cette infameuse réunion de Londres, Marka (basse) et Kris Debusscher (guitare) secouent le grigri des souvenirs. On est une semaine après la répétition publique d’Ittre où les deux quinquas (1961) et leurs contemporains -le batteur Robbie Bindels et le percussionniste Roland Bindi- ont secoué la soirée. Via un génome de funk eighties à la Rick James version Molenbeek repassé par la case rock clashienne 2.0. Genre. Faut dire que les anciens Allez Allez s’entourent des experts Paul Curtiz (chant, guitare) et Thom Dewatt (claviers, sax) et d’un duo féminin refaisant bouillir le vieux Menhir dans les chakras 2017. Via Kyoko Baertsoen, chanteuse de Deinze brièvement passée par Hooverphonic, et Marie Delsaux, jeunesse francophone tout en short, tatouages et blondeur électrique. Ce soir-là, dans la campagne brabançonne, tout redevient donc possible, y compris reprendre l’histoire d’un coitus funkus interruptus.

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Au départ, Allez Allez s’extirpe de la saga des groupes Mad Virgins, Marine, Cherokees. Rien qui ne renseigne les moins de 50 piges mais qui, à la sortie des années 70, fait chauffer le microcosme bruxellois. S’impose Kristiaan (sic) Debusscher, tweetalig dont « la mère vote FDF et le père Volksunie« , zinneke qui joue au punk avant de découvrir les merveilles de Chic et du Freak obsédant. Avec quelques autres bras scolaires présumés cassés, le batteur Robbie, le percu Roland, le guitariste Nico (aujourd’hui canadien et absent de la reformation) et Marc -futur chanteur de la Muerte- s’ébrouent des envies de danse. Elles se concrétisent dans Allez Allez lorsque le beau Marc dégage et s’y joignent l’ex-roadie Marka et la chanteuse anglaise Sarah Osborne. « Tout est parti de la scène punk« , explique Kris, « et on a en quelque sorte gardé cette mentalité-là« . Mais dès les deux premiers morceaux enregistrés, le bien nommé Allez Allez, morceau à stades, et African Queen, aux résonances tribales, il est évident que le groupe dégage une chimie particulière comme une juvénile version européenne du groove ricain. Avec Kris -autodidacte certifié, compositeur instinctif, futur Snuls-, le journaliste Gilles Verlant fonde Scalp Records qui héberge le premier mini-album d’Allez-Allez, distribué par un très enthousiaste EMI-Belgique. Boum, disque d’or. L’écume est plus grosse que la vague et, quasi-première francophone, les Bruxellois touchent la Flandre et essaiment. Les gusses passent même à Old Grey Whistle Test, mythique émission de la BBC télé. Ce qui amène Verlant et son comparse Bernard Goffin à chercher un support international plus vaste. D’où la réunion loupée de Londres et ce sentiment de gaminerie résumé par Marka qui, à l’époque, débarque du service militaire. « On était comme des bébés gâtés, nourris et logés: on s’incrustait tous chez Gilles Verlant, qui était notre baby-sitter, auquel on demandait de payer notre loyer, genre les 4 000 balles de l’époque (100 euros). On sortait en boîte sans jamais payer nos drinks. On s’est tiré une balle dans le pied parce qu’on n’était absolument pas préparés au succès.« 

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Turbo funk à la belge

Sarah Osborne, la blonde anglaise qui donne sa personnalité vocale à Allez Allez, déjà fatiguée par la bringue permanente, tombe raide amoureuse de Glenn Gregory, chanteur d’Heaven 17, et plaque tout sans sommation pour retourner en Albion, plus perfide que jamais. Elle propose d’ailleurs à Kris de venir avec Nico en Angleterre en laissant tomber les autres. Plan rejeté. Le groupe vient de voler le show en première partie de Kid Creole (…) à Forest National où, le 7 novembre 1982, 8 000 belges découvrent, une décennie avant dEUS et douze avant Girls In Hawaii, que le rock national a éventuellement l’étoffe des héros. Allez Allez prolonge encore l’aventure avec Jackie, vocaliste black de Detroit, mais la sauce tourne court et le groupe débande complètement en 1984.

Bond dans le temps: fin août 2016, Marka invite ses anciens comparses à secouer trois décennies de poussière pour deux morceaux lors d’une carte blanche aux Fêtes des Solidarités à Namur. Un an plus tard, sans remettre en cause leurs vies respectives, Marka, Kris, Robbie, Roland et leurs nouveaux complices s’excitent -à juste titre- sur l’intemporalité du turbo funk à la belge. Pour la suite, ils verront, ne voulant pas sacrifier les promesses d’un plaisir qui s’annonce immédiat.

(1) Monsieur Werchter, patron de Live Nation Belgique

• En concert le 22/07 aux Francofolies de Spa, le 12/08 au BSF, le 27/08 aux Solidarités à Namur. Marka a écrit Allez Allez, livre français-flamand, avec Marc Hellinckx, Editions Lamiroy, à paraître le 22/07.

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