Air: « rendre Méliès encore un peu plus excitant »

Pour les 150 ans de Georges Méliès, Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin ont mis en musique la version couleur restaurée du Voyage dans la lune. Bouclez vos ceintures. Décollage immédiat.

Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, Air
Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, Air© DR

Le 8 décembre dernier, le réalisateur Georges Méliès, père des effets spéciaux, aurait eu 150 ans. Qui d’autre? Qui d’autre qu’Air aurait pu composer la musique de son Voyage dans la lune, non pas bêtement colorisé à partir de la version noir et blanc, mais tout bonnement restauré, les couleurs ayant été peintes directement sur la bande par Méliès himself? Même si le clip de Tonight Tonight des Smashing Pumpkins est un bel hommage à son génie, on se pose encore et toujours la question.

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« Je n’aurais en tout cas pas aimé que quiconque à part nous s’en charge, rigole Nicolas Godin, moitié du duo versaillais. Cet objet est vraiment unique. C’est un ovni. Un classique de la science-fiction. La naissance des effets spéciaux. Pouvoir se laisser inspirer pleinement par Méliès et cette oeuvre était une opportunité formidable. A fortiori quand vous êtes installé et que vous redoutez comme la peste de vous répéter. »

Compte tenu d’un emploi du temps surchargé, Dunckel et Godin ont réglé l’affaire en moins de 3 semaines. Jouant face à l’écran. Ce qui leur a valu pas mal de torticolis. La musique, disent-ils, a surgi comme s’ils l’avaient mûrie toute leur vie. « On a tellement regardé le film qu’on avait l’impression d’être sur le tournage. D’appartenir à l’équipe. »

Champignons et bruits d’animaux…

Air a composé un de ces disques rétrofuturistes dont il a le secret. Sonner comme en 1902 eût été un sacrilège. Méliès demandait déjà aux forains et aux propriétaires de salles de diffuser son film avec la musique du moment.

« Méliès voulait divertir. Faire des blockbusters. Pas s’adresser à un public de cinéphiles. Nous avons essayé de composer une musique spontanée et fraîche. Une bande-son qui rende le film encore un peu plus excitant. Nous avons eu toute la liberté imaginable. Le réalisateur était mort… »

Air avait déjà travaillé avec Sofia Coppola sur Virgin Suicides, Lost in Translation et Marie-Antoinette. Puis aussi collaboré avec Sam Garbarski pour Quartier lointain. Il ne s’était cependant encore jamais frotté à un film muet.

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« C’est une autre expérience. La musique est présente du début à la fin sans interruption. Elle joue le rôle de narrateur. Doit quelque part remplacer les dialogues. A fortiori en l’absence d’un bonimenteur. »

A rebours des productions Disney qui font parler les animaux avec des voix d’humains, Air fait parler les humains avec des bruits d’animaux… Et utilise un Waterphone, sorte de contrebasse qui contient de l’eau et sonne comme un cri dans la nuit, utilisée sur la B.O. de La Planète des singes.

Ils en sont convaincus. S’il avait vécu dans les années 60, Méliès aurait pris des champignons. Comme lui, Air est psychédélique. Aime la lune, la magie, les tours de passe-passe. « Méliès a montré la voie en matière d’univers onirique. Mais on partage surtout avec lui une manière de penser. » Un amour de l’artisanat. Un vrai goût du bricolage.

« On a pour habitude de fantasmer notre objectif et de procurer, avec des très petits moyens, l’illusion que c’est énorme. Pour y arriver, on joue sur le cerveau, sur la perception. On a par exemple utilisé un iPad et un son de violon pour donner l’impression d’avoir affaire à un orchestre. »

La Haine…

Depuis ses débuts déjà -son 1er album était d’ailleurs intitulé Moon Safari-, le duo versaillais semble partager des liens étroits avec Méliès, prestidigitateur du cinéma. « Nous n’en savions pourtant pas grand-chose. Je n’avais par exemple jamais vu le film, avoue Godin. Certes, l’image de la fusée dans l’oeil de la lune est ancrée dans l’inconscient collectif. Mais on connait surtout Méliès à travers cet instantané et tous ceux qui lui ont piqué des idées. Je pense à Terry Gilliam, à Tim Burton, à Michel Gondry… Si j’ose la comparaison, c’est un peu comme le Velvet Underground qui a marqué beaucoup de gens à travers les emprunts qu’en a faits Bowie. »

Marrant que Godin évoque le Velvet. En 1994, sur commande du Pordenone Silent Film Festival, John Cale a composé une bande-son originale, plus tard sortie en disque, pour The Unknown (1927) de Tod Browning. Il l’a même jouée à l’UGC De Brouckère.

(Re)créer la musique de vieux films existants… Si l’initiative n’est pas très courante, elle n’est pas non plus révolutionnaire. Rien que chez nous, Zita Swoon a proposé en 1997 une B.O. pour Sunrise (1927) de Murnau. L’électronicien Buscemi a accompagné en direct avec 5 musiciens L’Homme à la caméra (1929) de Dziga Vertov. Et il y a quelques jours, Amatorski jouait à l’AB sa musique créée pour accompagner Impatience (1920), film belge d’avant-garde.

Plus politique et surprenant, Asian Dub Foundation a, au début des années 2000, joué une musique originale devant des projections de La Haine (1995) accompagnant les images durant toute la durée du film. Un film qui prenait, selon eux, de plus en plus de sens au Royaume-Uni, eu égard à la politique d’immigration et au comportement de la police…

Julien Broquet

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Voyage dans la lune, version originale couleur restaurée, de Georges Méliès – © 2011 Lobster Films – Fondation Groupama Gan – Fondation Technicolor

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