A Tribe Called Best

A Tribe Called Quest, au grand complet (de gauche à droite: Ali Shaheed Muhammad, Q-Tip, Phife Dawg et Jarobi White). © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Quelque 18 ans après son dernier disque, l’un des groupes les plus importants de l’histoire du rap ressort un nouvel album. Un baroud d’honneur de toute beauté…

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les miracles existent bel et bien. On en est désormais certain. La preuve: le 11 novembre dernier, le groupe A Tribe Called Quest sortait We Got It from Here… Thank You 4 Your Service, quelque 18 ans après son dernier effort. Un sixième album, annoncé comme son dernier. Une sorte de baroud d’honneur, que les fans n’osaient franchement plus espérer.

Certes, splitté à la fin des années 90, A Tribe Called Quest avait bien réussi à enterrer quelque anciennes querelles pour reprendre du service sur scène. De nouveau disque, il n’avait cependant jamais été question. La perspective s’éloignait d’autant plus que, le 22 mars, Phife Dawg, élément essentiel, décédait, âgé d’à peine 45 ans. Malgré une greffe de rein, celui qui rappait « When’s the last time you heard a funky diabetic? » (Oh My God! en 1993) était victime de complications liées au diabète…

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Beats, Rhymes & Life

Quelques mois plus tard, le label annonçait pourtant bien un nouvel album, enregistré avant la mort de Phife Dawg. Fin octobre, Q-Tip confirmait: We Got It from Here… Thank You 4 Your Service était sur les rails, prêt à être lâché dans la nature. Le disque aurait pu se contenter de ponctuer une formidable aventure musicale, commencée il y a quelque 25 ans. Somptueux, il fait mieux que ça. Le point final est ici un point d’exclamation. Une sortie de scène par le haut, concluant un parcours quasi parfait, incarné dans l’une des discographies les plus essentielles du hip hop.

A Tribe Called Quest (ATCQ), c’est donc Q-Tip, Phife Dawg, et le DJ-producteur Ali Shaheed Muhammad (auxquels il faut ajouter Jarobi White, présent depuis le début, de manière épisodique). Originaires du Queens, New York, les deux premiers se connaissent depuis les maternelles. En cela, ATCQ ne sera jamais une pure alliance musicale: la « tribu »carburera toujours à l’amitié. Ce qui la perdra. Mais aussi, au bout du compte, la sauvera…

Le projet se lance à la fin des années 80. Juste à temps pour participer à ce qu’on a appelé la première « période dorée » du rap. ATCQ développe notamment un sens du collectif comme rarement avant lui. Avec ses camarades des Jungle Brothers, De La Soul, Black Sheep, etc. (regroupés au sein du collectif Native Tongues), ATCQ développe un rap positif, coloré, à la fois ludique et conscientisé. En 90, People’s Instinctive Travels and the Paths of Rhythm est un premier album clé, se permettant notamment de sampler le Walk on the Wild Side de Lou Reed (Can I Kick It?). Un an plus tard, The Low End Theory est un pur chef-d’oeuvre. Q-Tip rappe: « My pops used to say, it reminded him of Bebop/I said, « Well, daddy don’t you know that things go in cycles? » De fait, ATCQ va piocher dans le jazz, aussi bien dans le son que dans l’esprit, sublimant les samples pour ce qui reste un sommet du hip hop, et de la musique populaire américaine en général. En 93, Midnight Marauders vient compléter un premier triplé proche de la perfection. Le duo formé par Q-Tip et Phife Dawg est renversant: l’abstraction du premier, le côté street du second. L’air et la terre. Le yin et le yang.

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Mais de cette complémentarité finiront par naître également des tensions et des querelles d’ego. Cela se ressent sur les deux albums suivants. Moins denses, Beats, Rhymes and Life (1996) et The Love Movement (1998) n’arrivent pas à atteindre les hauteurs des débuts. La magie est toujours présente, ici et là, mais l’étincelle a disparu. Il faudra 17 ans pour la rallumer.

Le 13 novembre 2015, le trio se retrouve sur le plateau du late show de Jimmy Fallon, à l’occasion des 25 ans de People’s Instinctive Travels… Les anciennes rancunes sont enterrées, l’alchimie retrouvée. Le même soir, Paris est le théâtre d’une série d’attaques terroristes. Peut-être est-il vraiment temps de s’y remettre?, se dit alors Q-Tip. Avant le décès de Phife Dawg, le groupe posera ainsi les bases des nouveaux morceaux. Ce sentiment d’urgence traverse We Got It from Here…, disque brillant au casting prestigieux (Andre 3000, Kendrick Lamar, le pote Busta Rhymes…) qui, tout en relançant la formule du groupe, ne se nourrit jamais de nostalgie. Dans le documentaire de 2011, consacré à ATCQ (Beats, Rhymes & Life: The Travels of A Tribe Called Quest), Q-Tip expliquait notamment que si la musique de son groupe restait pertinente, c’était parce qu’elle était authentique et vraie. C’est encore le sentiment dégagé par le nouvel album. À l’image, par exemple, de son premier single, We the People…, et de ses paroles (« The fog and the smog of news media that logs/False narratives of Gods that came up against the odds », assène Phife Dawg). Conçu pourtant bien avant l’élection de Donald Trump, il sonne comme un appel vibrant à la révolution.

We Got It from Here… aura ainsi beau être le dernier effort d’ATCQ, rarement chant du cygne n’aura sonné aussi triomphal. ATCQ est mort? Vive ATCQ!

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A TRIBE CALLED QUEST, WE GOT IT FROM HERE… THANK YOU 4 YOUR SERVICE, DISTRIBUÉ PAR SONY. ****(*)

Une fresque bruxelloise
La fresque A Tribe Called Quest de Bonom à Bruxelles
La fresque A Tribe Called Quest de Bonom à Bruxelles© DR

À l’occasion de la sortie du nouvel album d’ATCQ, une série de graffitis ont été réalisés à travers le monde, du Canada à l’Afrique du Sud. Comme un hommage planétaire à l’un des groupes les plus importants de l’histoire du rap. En Belgique, c’est le célèbre street artist bruxellois Bonom, alias Vincent Glowinski, qui s’est chargé de la fresque murale. Réalisée sur un ancien bâtiment industriel, du côté de Berchem-Sainte-Agathe, elle reprend les couleurs afro rouge et vert de l’album The Low End Theory, sorti en 91.

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