Pokémon Noir et Blanc: Monstres & Cie

La culture populaire nippone draine une mythologie postmoderne florissante peuplée de monstres aimés. État des lieux derrière les joysticks, sur fond de désastres naturels et atomiques, à l’occasion de la sortie du nouveau Pokémon Noir et Blanc.

POKÉMON NOIR ET BLANC, ÉDITÉ PAR NINTENDO ET DÉVELOPPÉ PAR GAME FREAK, ÂGE 3+, DISPONIBLE SUR NINTENDO DS. ****

Rangée à la hâte parmi les phénomènes culturels nippons pour kids, la vague Pokémon contamine depuis 15 ans les 4 coins du globe. De sortie sur Nintendo DS dans un nouvel épisode Noir et Blanc, les 493 créatures (« Pocket Monsters ») de la série fleuve de Game Freak témoignent de l’amour immodéré des Japonais pour les monstres. Microscopiques ou gigantesques, ces « obakemonos » peuplent l’imaginaire spirituel de l’archipel depuis l’apparition du bouddhisme et du shintoïsme. Si, par le passé, les estampes (« ukiyo-e ») ont maintenu en vie ces croyances populaires tournant autour de créatures chimériques et d’objets animés, celles-ci vivotent aujourd’hui au fil de la pop culture nippone. Des films d’animation de Miyazaki aux RPG comme Dragon Quest, impossible de faire un pas sur l’archipel sans croiser ces exemples vivants de mythologie postmoderne. Le récent tremblement de terre qui a secoué la préfecture de Miyagi dans le nord du pays prouve une fois de plus que l’archipel a toujours dû composer avec les forces de la nature. Sans oublier les éruptions volcaniques et autres glissements de terrains. Logique, dès lors, que des monstres mythologiques de plus grande taille habitent également l’imaginaire collectif, à l’image de Namazu, poisson géant planqué sous le pays dont les soubresauts capricieux feraient trembler la terre. Les 2 bombes atomiques de Nagasaki et Hiroshima ont aussi enfanté une nouvelle génération de monstres géants dévastateurs. Soit des « kaijû » cristallisant le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale.

Créé moins de 10 ans après la Seconde Guerre mondiale, Godzilla est sans conteste le plus connu d’entre eux, aux côtés de Mothra et Rodan. La créature gratte-ciel créée par Tomoyuki Tanaka a donné naissance à un genre de films à part, les « Kaijû Eiga » et, par contraction, à des jeux vidéo singuliers. Pullulant dans les années 80 et 90, ceux-ci mettaient en scène des duels de titans utilisant la ville comme ring de catch, notamment dans Rampage et King Of Monsters. Réveillé dans sa grotte suite à des essais nucléaires déclenchés par l’homme, Godzilla le destructeur de cités finira par protéger les hommes d’invasions extraterrestres. Aimé des Japonais jusqu’à être décliné en une multitude de figurines et poupées kawaii, le dinosaure mi-baleine mi-gorille a également enfanté de nombreux monstres géants se rangeant du côté de l’humanité dans l’industrie du jeu vidéo vers la fin des années 90.

Emblématique de la culture pop nippone, Final Fantasy VII donne ainsi au joueur une série d’invocations surnaturelles empruntant des créatures dantesques à la mythologie arabe (Ifrit et diverses déclinaisons de Bahamut), chrétienne (Léviathan) et même grecque antique (Phénix). Sur GameCube, le Doshin the Giant de Nintendo caste un colosse jaune et béat aidant les habitants d’une île à planter des arbres et à modeler le terrain. Shadow Of The Colossus sur PlayStation 2 demandait, de son côté, de tuer 16 colosses dont il faut trouver le point faible en les escaladant… pour finalement regretter ses actes.

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S’ils sont nettement plus petits que Godzilla, Pikachu et consorts jouent également sur la fibre monstrueuse des Japonais. Mais contrairement au lézard géant, les Pokémons coiffent leur approche d’une esthétique kawaii à l’origine de leur succès. Nanti d’un scénario plus mature remettant habillement en question l’exploitation liant les dresseurs Pokémons à leurs créatures, le Pokémon nouveau de Game Freak propose toujours de partir dans une aventure sous forme de RPG (jeu de rôle nippon) ultra simplifié. Articulé comme à l’accoutumée en 2 versions (Noir et Blanche) aux scénarios identiques mais aux monstres différents, ce Pokémon 5e génération monte toutefois la difficulté de ses combats au tour par tour d’un cran. L’échange de monstres entre les joueurs passe, lui, au réseautage social en empruntant des gimmicks à Facebook pour plaire à un public plus âgé. De là à imaginer que la série évolue vers un style graphique moins enfantin (formule qui a fait le succès de Monster Hunter, son concurrent sur PlayStation Portable), il n’y a qu’un pas. « Si vous comparez le Pokémon Jaune et Rouge de 2000 et le Noir et Blanc d’aujourd’hui, le design a définitivement évolué, car la franchise Pokémon s’étend et va encore graduellement grandir, affirme Ken Sugimori, son père graphique. Mais nous ne retirerons jamais les Pokémons mignons. » Et de fait, avec 675 épisodes télévisés au compteur, un jeu de cartes drainant des compétions internationales, des boutiques comparables à des Disney Store et 210 millions de jeux Pokémons vendus, la marge de manoeuvre de Game Freak semble limitée face à Nintendo, son éditeur. « En termes de character design, Nintendo ne nous donne jamais de consignes précises sur le style », rectifie Ken Sugimori. Je peux dire que nous sommes à 100 % responsables de notre production.

Bowser, meilleur ennemi

King Kong a inspiré Donkey Kong, le premier bad guy de Nintendo. Du haut de son échafaudage pixélisé dans sa première aventure 8 bits, le gorille a toutefois fini par passer dans le camp des gentils et a connu une foule de jeux vidéo qui lui étaient consacrés via les Donkey Kong Country sur Super NES (récemment adaptés sur Wii) pour être ensuite remplacé par un autre méchant. Mario s’est donc surtout frotté à Bowser tout au long de sa carrière. Apprécié de nombreux joueurs, le lézard idiot et gaffeur de Nintendo semble toutefois retourner sa veste. On l’a ainsi vu récemment se battre aux côtés des frères plombiers dans Mario & Luigi: SuperStar Saga.

Michi-Hiro Tamaï

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