PlayStation VR, le jeu en intraveineuse

Test public à Saint-Luc © MHT
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

La PlayStation VR boucle le défilé des casques de réalité virtuelle sortis cette année. L’accessoire de Sony jette littéralement un regard inédit sur le jeu vidéo, tout en changeant sa grammaire. Une immersion fascinante, sublime mais imparfaite.

Tout est faux. Elon Musk, le patron de Tesla, et Rich Terrile, le directeur du Center for Evolutionary Computation and Automated Design (NASA) croient dur comme fer que nous vivons dans une simulation informatique globale. Matrix, es-tu là? La thèse lancée par Nik Bostrom en 2003 avance que l’humanité est coincée dans une version évoluée de Grand Theft Auto. Responsable du Future of Humanity Institute à Oxford, ce prof de philo soutient d’ailleurs que dans 30 ans, la puissance des PlayStation permettra d’animer des GTA habités d’IA coiffées d’une âme. L’hypothèse, alimentée par la loi de Moore sur l’évolution des ordinateurs, ne serait pas (forcément) un délire de savant fou. Dans un rapport publié en septembre dernier, la Bank of America estime ainsi que ce scénario est plausible… à 30%. Les paysages immersifs du PlayStation VR défilent par contre en sens inverse. En magasin depuis ce 12 octobre, ce casque de réalité virtuelle explore ainsi des villes et plonge dans des océans plus vrais que nature.

PlayStation VR, le jeu en intraveineuse

Pour le gamer, la VR est avant tout un fantasme qui se concrétise en 2016. Une révolution. Car depuis, la Magnavox d’Odyssey en 1972 (1), le jeu vidéo n’a pas fondamentalement évolué: sa pratique se limite à regarder un écran extérieur, à être le témoin d’une action. L’image à un centimètre des yeux, le PlayStation VR se joue par contre en intraveineuse. Clôturant le défilé des casques de réalité virtuelle contaminant le marché ces derniers mois, cette machine à détruire les couples et la vie sociale avance un réalisme en deçà des Vive d’HTC et Rift d’Oculus (Facebook). Mais l’accessoire bénéficie de la puissance de feu éditoriale et créative de Sony.

Pilule rouge ou bleue?

Descendre une montagne russe horrifique sur Until Dawn: Rush of Blood soulève le coeur. On sourit aussi lorsqu’on porte un cigare à sa bouche pour en cracher la fumée virtuelle sur The London Heist (le micro du casque détecte le souffle du joueur). L’impression d’en griller une est bien là et ce genre de détail excite. Visuellement, les productions aux formats généralement courts oscillent entre PlayStation 2 et 3. Malgré une pixellisation prononcée, l’effet wow supplante une séance de cinéma 3D. Qu’on se le dise, le mérite de cet accessoire financièrement plus abordable que ses concurrents ne tient pas qu’à son immersion totale. En plongeant à 360 degrés dans l’intimité du jeu, ce View-Master dopé aux amphétamines rédige une nouvelle grammaire ludique.

La technologie VR n’est pas neuve mais s’était joliment plantée au début des années 90, la faute à un manque de fluidité très vomitif. Plus loin encore dans le passé, Robert Barker figure comme son précurseur. Cet Ecossais a inventé les « Panoramas » au XIXe siècle. Ces toiles circulaires installées dans des rotondes plongeaient les visiteurs dans un ailleurs spectaculaire -à expérimenter au Musée de la Bataille de Waterloo chez nous. Point de salle spéciale pour la réalité virtuelle de Sony. Mais le PlayStation VR exige une lourde installation.

Dans sa boîte, un nid de câbles prêt à mordre les maniaques des salons bien rangés. Le guide d’installation est clair comme un montage Ikea. Mais la recette se solde par un plat de spaghettis fous. Couplée à un boîtier additionnel cerné de fils, la PlayStation 4 semble survivre en salle de réanimation (voir photo). Sans parler de la PlayStation Camera, obligatoire pour détecter les mouvements du fameux casque, lui-même harnaché à l’édifice.

PlayStation VR, le jeu en intraveineuse

« Ce cordon ombilical n’apparaissait jamais dans les pubs de Sony », soupire Thierry Cuvelier, coordinateur de la section Arts Numériques à l’Esa Saint-Luc de Bruxelles. « Ne pas être totalement libre de ses mouvements, c’est l’aspect le plus rebutant. » La quinzaine d’élèves que l’enseignant a invités pour les besoins de cette chronique ne semblaient en tout cas pas dérangés par ce câblage. D’autant que le casque, léger et solide, s’emploie dans des jeux pratiqués assis. Parmi la dizaine de titres mis à la disposition de ces élèves, Until Dawn: Rush of Blood drainait les cris les plus perçants -chez les filles notamment- et donc les commentaires les plus enthousiastes.

Sony Horror Picture Show

Aussi malsain qu’un film de Rob Zombie, ce rail shooter enferme le gamer dans un train fantôme. Le joueur y déplace simplement la manette de la PlayStation (ou les deux sticks du Move) pour viser et flinguer. Clowns psychopathes, vaisselle poltergeist et autres corbeaux assassins explosent dans des gerbes de sang. Cette formule qui ne demande pas de gérer ses déplacements ne réinvente pas les House of the Dead arcade de Sega dont elle s’inspire. Mais elle y ajoute l’obligation de se pencher latéralement pour se frayer un chemin dans des forêts de scies circulaires ensanglantées. Dansez maintenant!

Utiliser le corps humain comme une manette n’est pas révolutionnaire: le Kinect de la Xbox 360 (et avant encore le PlayStation Eye) prônait déjà ce gimmick. Mais le PS VR se montre nettement plus précis. Viser des exosquelettes adverses en faisant légèrement osciller la tête sur Rigs et marquer des buts en balançant le torse sur Headmaster coulent de source. Figurant parmi les cinq expériences et mini jeux de VR Worlds, Danger Ball tire également parti de cette ergonomie avec brio. Ce titre addictif à mi-chemin entre Pong et les combats de discs de Tron se pratique ainsi sourire aux lèvres, en utilisant son crâne comme une raquette de tennis.

Cette façon de jouer inédite n’est pas la seule à soulever de nouveaux codes de gameplay, inimaginables sur un simple téléviseur. Contre toute attente, Robot Rescue (un des titres de PlayRoom VR) prouve ainsi que les jeux de plateforme 3D vus à la troisième personne s’accommodent avec délice de la réalité virtuelle. Détectant la manette du joueur avec précision pour intégrer son fac-similé numérique dans le jeu (où elle sert de grappin), le titre nous glisse dans une vue aérienne. On regarde à gauche et à droite pour dénicher des plateformes secrètes. Dommage que l’expérience soit trop courte. De quoi rêver à un Super Mario 3D en mode VR…

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« J’ai dû m’asseoir dix minutes avec un verre d’eau pour récupérer », avoue une étudiante de l’Esa Saint-Luc, après des tours de circuit sur DriveClub VR. En discutant, la plupart des filles qui ont essayé des titres à l’action rapide avouent être passées par la case nausée. Les mecs ne pipent mot. Mais à voir la tête de certains lorsqu’ils lâchent les combats spatiaux d’Eve: Valkyrie, nul doute que l’effet groggy ne connait pas de sexe. Et de fait, après quatre jours d’essais intensifs du PS VR, un bilan s’impose: les titres privilégiant la vitesse et les sauts spectaculaires provoquent irrémédiablement des malaises. Mention spéciale pour les sauts gravitationnels de Scavenger et VR Luge, tous deux extraits de VR Worlds.

Dès que l’action ralentit par contre, le bonheur est dans le pré. Ou plutôt sur le champ de bataille avec Battlezone. Ces combats de tanks où l’on joue à cache-cache dans des arènes sont étonnamment agréables à jouer. Les graphismes épurés et la vitesse modérée du titre n’y sont pas étrangers. Dommage toutefois que son gameplay boite, à l’image des nombreux titres entourant la sortie du PS VR. Les développeurs découvrent eux aussi un nouveau monde et cela se ressent.

De son côté, Batman: Arkham VRse pose comme un jeu d’aventure aux airs d’enquête policière, évite le piège de l’action effrénée mais ne dure qu’une bonne heure. Là encore, l’impression de passer à côté d’un « vrai » jeu domine. Pourtant, revivre la scène de l’assassinat des parents de la chauve-souris en immersion totale, protégé par la mère, retourne. Alfred, plus flegmatique que jamais, sourit aussi. Pour réellement décoller, le PS VR a besoin d’une exclu captivante aux épaules larges. Une question de survie. Car du Mega CD de la Megadrive au Kinect de la Xbox One, la courte histoire des accessoires pour console de jeu vidéo se tapisse exclusivement de cadavres encombrants, synonymes d’échec.

(1) Première console de jeux vidéo au monde.

La bourse ou la vie

Les 400 euros demandés par le PS VR restent bien en dessous des 900 euros du Vive d’HTC et des 740 euros du Rift d’Oculus. Le casque de la PS4 n’entraîne en outre pas de dépense pour booster son PC (voire l’obligation d’en acheter un neuf). Il faudra toutefois acquérir les contrôleurs du PlayStation Move (40 euros) pour certains jeux et obligatoirement la PlayStation Camera (55 euros) qui détecte les mouvements du casque. Côté technique, le PS VR déploie des graphismes légèrement plus pixélisés que ses concurrents sans que cela lui ne soit préjudiciable. La détection des mouvements du casque est par contre moins finaude que sur le Rift et le Vive. Entre deux jeux différents et en cours de partie, il n’est pas rare de devoir recalibrer le casque. Ce manque de confort est toutefois contrebalancé par une ergonomie sans faille du périphérique. Nettement mieux équilibré sur la tête que ses adversaires, le PS VR s’ajuste également plus facilement aux yeux. Seule grosse épine dans le pied: ses tarifs de jeux totalement exagérés. La poignée de titres aux airs de démos techniques de PS VR Worlds se vend ainsi à 39 euros tandis que les combats de tanks de Battlezone culminent à 59 euros. Certes, les bacs à 20 euros proposent bien une poignée de titres intéressants (Until Dawn: Rush of Blood, Hustle Kings…). Mais les tarifs sont nettement plus élevés en moyenne que ceux des titres du Vive et du Rift.

Quatre expériences VR cultes

PlayStation VR, le jeu en intraveineuse

Nintendo – Virtual Boy (1995-1996)

Haut sur pattes, ce collector portable que les fans de Nintendo adorent détester fut un vrai revers pour Gunpei Yokoi, le père des Game & Watch et de la Game Boy. La console écoulée à 777 000 exemplaires (150 fois moins que cette dernière) faisait saigner les yeux en offrant un affichage monochrome en noir et rouge. Son ergonomie qui obligeait le joueur à s’attabler, le torse penché en avant, s’est chargée de l’achever.

PlayStation VR, le jeu en intraveineuse

Virtuality (1991-1994)

Résolution d’image taillée au cordeau et manque de fluidité vomitif: du Cybermaxx de Stuntmaster au VFX-1 de Forte Technologies, les casques de réalité virtuelle pour gamers nantis ont brûlé comme des feux de paille dans les années 90. Avec ses nacelles et pods spectaculaires, les bornes d’arcade flashy de Virtuality sont toutefois restées dans les mémoires. Des machines tarifées six euros pour trois minutes de jeu entre dinosaures et revenants, sans gameplay.

Tron (1982)

PlayStation VR, le jeu en intraveineuse

Du Monde sans fil que Rainer Werner Fassbinder lâchait pour la télé en 1973 au très moyen (mais impressionnant) Cobaye de 1992, la réalité virtuelle a souvent fasciné le cinéma. Téléporté dans le super ordinateur d’un éditeur de jeux vidéo, Jeff Bridges leur vole toutefois la vedette dans Tron de Steven Lisberger.Son usage intensif et inédit d’images de synthèse a marqué la culture geek. Si bien que Project Arena adapte sur Oculus Rift et HTC VIVE sa célèbre scène de combat au frisbee. Un eSport en devenir?

Mobile Suit Gundam: Bands of the battlefield (2006)

Plutôt que de s’encombrer d’un casque de VR, Namco Bandai et Banpresto immergent le gamer en le plongeant dans un écran en demi-sphère sur ce Mobile Suit Gundam. Ce P.O.D. (Panoramic Optical Display) permet d’observer le cockpit de son robot géant et le champ de bataille naturellement. L’éditeur a eu la très bonne idée de l’adapter en version Star Wars: Battle Pod il y a deux ans, pour le marché occidental. Une démarche technique gentiment adoptée par les téléviseurs courbés…

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