Kim Dotcom: la chanson qui sonne faux

Le fondateur de Megaupload se lance dans la musique et commet avec Mr president un protest song electropop éhonté. Dans son clip, l’homme se compare à non moins que Martin Luther King et s’auto-intronise défenseur des libertés sur Internet. Entre rire et effarement, la frontière est ténue.

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Quand Kim Dotcom, étrange croisement entre monsieur Bibendum (pour la silhouette) et Tony Montana (pour l’intégrité), se met à la musique, ça donne un clip qui fracasse toutes les limites communément admises de la mauvaise foi. Depuis qu’il a de nouveau le droit de surfer sur Internet, et qu’il a découvert le secret de Kanye West (la magie du vocodeur), l’homme est bien décidé à faire entendre sa voix.

« La guerre pour internet a commencé. Hollywood contrôle la politique. Le gouvernement tue l’innovation. Ne les laissez pas s’en tirer comme ça. » C’est sur ces slogans aguicheurs que démarre le premier clip du patron de Megaupload, attifé d’un béret noir à la Che Guevara pour l’occasion. Le MEGAlomaniaque s’érige en prophète des libertés sur Internet avec autant de crédibilité qu’un Florent Pagny en défenseur de la liberté de penser. Il instrumentalise un combat qui dépasse sa personne pour servir sa propre cause. Et il le fait, comme on pouvait s’y attendre lorsqu’on connaît l’exubérance du personnage, avec autant de finesse et de subtilité qu’un film de Michael Bay.

S’offrant le luxe de collaborer avec Printz Board -producteur des Black Eyed Peas- Kim Dotcom nous assène son message à coup de gros beats electro. Un son qui, à défaut d’être bon, parvient à se cramponner au cerveau pour ne plus le quitter. La recette: on calque l’ADN de la bande à Fergie qu’on arrose de quelques parties instrumentales qu’une Ann Lee n’aurait pas renié, et on y greffe une voix prophétique, auto-tunée à l’envi. C’est simple et efficace.

Martin Luther Kim (Dotcom)

On illustre le tout par un clip dont les séquences visuelles sont aussi fines qu’un bloc de parpaing. « I have a dream, like doctor King » lance sans vergogne le multi-millionnaire, sur fond d’images recyclées de la grande marche sur Washington. Le ton est lancé. Simplification à l’extrême d’un débat tellement plus compliqué. En quatre minutes, Kim Dotcom nous agite le spectre d’un 1984 avec des images de guerre, de tranchées et d’explosions. Auxquelles il oppose l’espoir d’un monde meilleur, un monde de bonheur (car sans copyright). Stock-shot de pub Nutella avec des enfants heureux qui courent dans les champs, stock-shot de pub Proximus avec des ados heureux qui courent sur la plage, stock-shot de pub Pizza Hut avec des couples heureux qui mangent une pizza. C’est tellement gros que ça agite les zygomatiques. On ne peut cependant cacher un certain malaise devant cette fumisterie.

Sopa, Pipa, Acta, … Mega?

Kim Dotcom amalgame la fermeture de Megaupload avec le combat contre des textes jugés dangereux pour les libertés numériques: Sopa, Pipa et Acta. La reconversion du magnat du téléchargement en philanthrope qui lutterait pour le bonheur du plus grand nombre sonne faux. Le clip alimente-t-il réellement le débat de fond concernant Internet, les libertés, les droits d’auteur? Ou est-il destiné à servir la cause de M. Dotcom? Vu la façon dont le patron de Megaupload se met en scène et se pose en victime, on serait tenté d’opter pour la deuxième réponse. Pour Thomas Gouritin, rédacteur chez Cometik, qui s’exprimait dans une tribune du Nouvel Observateur: « Le fond est bien entendu très important, et balancé au meilleur moment, à la veille des élections américaines. » Mais ce porte-parole fait, à son avis, « perdre beaucoup de sens au discours et au débat de fond qui doit avoir lieu à propos d’internet et de la contrefaçon. Et c’est bien dommage… »

En attendant, avec déjà près de 700.000 vues sur Youtube, c’est un premier essai musical transformé. Qui marque le triomphe de Kim Dotcom sur ses vrais ennemis: la mesure, la sobriété, le bon goût et la finesse, à qui il aura encore réussi à flanquer une belle raclée.

Valentine François (stg)

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