Vu de près

© CERF DEBOUT, 2016

Bonom est mort. Vive Vincent Glowinski. La galerie Mathilde Hatzenberger lève le voile sur l’oeuvre dessinée de ce plasticien intimement lié à Bruxelles.

Çà et là, la ville de Bruxelles porte encore les traces de Bonom. Des fresques, souvent crues et toujours très engagées physiquement, témoignent de l’oeuvre de cet artiste urbain qui a mis fin à ses jours en 2010. Suicide? Pas vraiment, c’est le créateur dont il était l’alter ego fictionnel qui s’est chargé de cette sale besogne. Le crime était d’autant plus parfait que cette disparition tombait à pic: il n’aura jamais été donné à Bonom de radoter ou de sombrer dans la caricature, travers vénéneux qui pend au nez du street art. L’intéressé rayé de la carte, il nous reste Vincent Glowinski, dont l’oeuvre protéiforme -désolé pour le poncif mais s’il y a bien un cas où cet adjectif trop souvent galvaudé s’applique, c’est ici- ne cesse de préciser ses contours dans le sens de la cohérence. Le travail de Glowinski est à découvrir cette fois dans la petite galerie de Mathilde Hatzenberger. L’association est judicieuse tant la galeriste défend l’artiste avec ferveur, intensité et probité. L’accrochage en question est circonscrit à une quinzaine de pièces dessinées.  » Chez Vincent Glowinski, tout naît et tout retourne vers le dessin« , précise Hatzenberger avec beaucoup d’à-propos. De fait, donnée à voir à coups d’A4 parfois arrachés aux carnets de croquis, cette partie déterminante de l’oeuvre du « Singe Boiteux » invite à une lecture rapprochée très éclairante. Sont présentes les multiples figures qui traversent son imaginaire: le bestiaire que l’on sait (ours, loups, baleines, antilopes pariétales…), les squelettes, les forêts tentaculaires, voire les anatomies décharnées, extatiques et en quête de sursaut.

Face-à-face

Les fresques de Bonom ne pouvaient être vues que de loin. Ici, le rapport est différent, c’est celui du face-à-face, focus salutaire qui permet d’apprécier la finesse d’un détail, le bien-fondé d’une courbe. Sous le nez, l’univers de Glowinski se découvre encore plus cohérent. Fruit d’une expérience intérieure, il s’affiche aussi plus que jamais noir et suffocant. On en prend la mesure dès la vitrine, où une installation frappe le regard. Un convoi de train fait face à un loup monstrueux, ne serait-ce que par ses dimensions. Le tout carbonisé, comme marqué du sceau de la crémation. Ce que l’on avait pris pour un jeu d’enfant saute littéralement à la gorge. Le ventre fécond de la bête immonde est convoqué, il glace instantanément le sang. Il y a aussi les corneilles, traits qui rayent la voûte céleste de la page blanche, autant d’oiseaux de malheur qui n’emmènent vers aucun ciel bleu, aucun ailleurs rassurant. L’atmosphère est à la mort qui rôde, aux effrois premiers. Et la couleur? Elle n’est pas absente de l’accrochage, à l’image de ce renard précipité vers le bas, chute inéluctable aux teintes fauves. Scindée en deux parties, l’exposition fait place à une salle du fond qui renvoie à certains projets qui n’existent plus sur les murs de la capitale. Cette présence de l’absent est précieuse, elle montre combien Bonom fut une marionnette éphémère entre les mains virtuoses de Vincent Glowinski. Bonne nouvelle, de cette adrénaline rien n’est perdu, l’énergie continue de circuler, comme si les feuilles possédaient des nervures. Après les expos à l’Iselp et au Botanique, c’est une nouvelle facette que l’on découvre d’un artiste qui surgit toujours où on ne l’attend pas. Il mérite d’être scruté car, chez lui, le coeur ne vaut pas moins que la peau, la sève que l’écorce.

Sketches

Vincent Glowinski, Mathilde Hatzenberger Gallery, 145 rue Washington, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 28/04.

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www.mathildehatzenberger.eu

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