Un regard de sang

Lina Meruane (double déformé de la romancière), alors doctorante à New York, voit soudainement rouge. Au propre, le sang se met à cascader dans ses pupilles. Au figuré, cette nature inquiète devra affronter 1001 interdits avant une opération ophtalmique dont le résultat n’est en rien garanti. Son chirurgien lui conseille du repos mais tout en elle bouillonne. La voilà de retour, tant en gestes à tâtons qu’en langue indisciplinée, dans le Santiago du Chili de son enfance, où l’attend une famille aux petits soins. Ignacio, son compagnon, se mue en son refuge. Mais dans une subversion des rôles opportune, c’est l’aveuglée qui guidera de mémoire le voyant à travers les arcanes de la ville. Si l’amour pose son voile sur nos paupières, comment agit une cécité de Damoclès sur une relation? Jusqu’où peut-on aller au nom du sacrifice? Face à ces énigmes, Lina Meruane pousse la nerveuse matière autobiographique jusqu’au paroxysme, instille de l’érotisme oculaire jusque dans l’angoisse, refuse de se mirer dans  » l’étang calme des mots« . Que celui qui n’a jamais frémi devant la lame d’ Un chien andalou nous jette son regard noir. Au-delà de quelques passages plus détraqués, nous battons des cils devant cette inquiétante et poétique auteure chilienne traduite pour la première fois en français.

De Lina Meruane, éditions Grasset, traduit de l’espagnol (Chili) par Serge Mestre, 224 pages.

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