Tous pour Rien

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Le Liégeois José Parrondo revient à l’Association avec une errance sur le rien qui n’appartient qu’à lui: à la fois minimaliste et d’une infinie richesse.

Rien

De José Parrondo, éditions L’association, 128 pages.

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José Parrondo l’assène dès la deuxième page de ce curieux et magnifique petit livre, tout en bleu, beau papier et carton qu’il a décidé de consacrer… à rien: « Le rien contient du rien et rien d’autre. » Ce qui, déjà, n’est pas tout à fait vrai, donc plus ou moins faux. Son Rien à lui contient de courtes bandes dessinées, des illustrations, des gravures, des photographies, ses habituels petits bonhommes enfantins et des phrases plus que des textes: « Je suis parti là-bas voir si j’y étais, et j’y étais. » « Si je dis que je mens alors que je ne mens pas, je mens autant que je ne mens pas. » « C’est quand je ne suis pas là que je m’y sens le mieux. » Des phrases, plus haïkus que sentences, et puis quelques questions: « Peut-on écrire un livre passionnant sur l’ennui?«  »Les petites choses vues de près sont-elles comme les grandes choses vues de loin?«  »Est-ce moi qui suis à l’endroit où je suis? Ou est-ce l’endroit qui est autour de moi?« Bref, il y a de tout dans ce Rien, dont un artiste rare qui ne semble sûr de rien, mais qui observe, s’égare, s’amuse, jusqu’à ce que son Rien touche tout un chacun.

Beauté plastique

Difficile, de fait, de résumer autant le livre que l’artiste. Depuis 20 ans, José Parrondo promène avec légèreté et beaucoup trop de discrétion son univers poétique et singulier dans la bande dessinée, l’illustration jeunesse, la presse, la peinture, l’enseignement et la musique, avec un minimalisme reconnaissable entre cent, et un humour fin et absurde tout aussi identifiable. Surtout, Parrondo, derrière ses fausses simplicités, multiplie les recherches graphiques, les intentions visuelles et, surtout, les manières de raconter, même l’irracontable comme ce Rien, au carrefour de multiples références narratives et artistiques et qui, tout en douceur, vous emporte et vous plonge dans son univers et son errance. Jouant sur les contrastes et les contraires, l’artiste partage dans Rien autant ses angoisses existentielles que ses dernières recherches plastiques. Lesquelles trouvent à L’Association le parfait partenaire et les parfaits écrins: la maison d’édition indépendante française fondée par Jean-Christophe Menu accompagne José Parrondo dans ses oeuvres les plus personnelles depuis 1996 et La Lune, la Bouche d’égout et la Flaque d’eau. Et s’il a fallu attendre trois ans depuis Histoires à emporter pour y retrouver Parrondo, son Rien, réalisé entre Liège et Bruxelles, valait l’attente: le livre est un bijou d’art plastique, beau, humble et doux, à l’image du voyage qu’il propose. Et qui, au final, porte bien mal son nom.

Olivier Van Vaerenbergh

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