Critique | Musique

Mura Masa, top of the pop

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Le jeune producteur anglais Mura Masa multiplie les invités et mélange les genres, sans jamais perdre de vue sa ligne de conduite pop. Malin.

Si le cliché n’était pas au bout du clavier, on présenterait volontiers le premier album de Mura Masa comme le disque idéal pour « prolonger l’été ». Après tout, rien ne sert de se voiler la face: la rentrée est bel et bien là et, avec elle, le retour au front. Alors, s’il doit encore rester quelques parfums estivaux à humer dans l’air, on les retrouvera facilement dans le disque du jeune Anglais. Car, on a beau dire, la pop reste le média idéal pour capter les futilités essentielles de la vie, et transformer en hymne ces moments qui ne durent que le temps d’une bulle de savon. Mura Masa l’a très bien compris et intégré.

Né en 1996, Alex Crossan de son vrai nom a grandi à Sainte-Marie du Catel, une petite paroisse plantée sur l’île anglo-normande de Guernsey -un gros caillou de 65 km2 sur lequel vivent un peu plus de 60.000 Guernesiais. Autant dire que les distractions n’y sont pas légion. Sans surprise, c’est donc via le Net que Crossan a fait sa culture musicale. Après avoir participé à une série de groupes, l’ado a commencé à bidouiller ses propres morceaux, à l’aide de logiciel comme Ableton, tout seul, dans sa chambre. La suite du scénario est connue, depuis que le Web a facilité l’éclosion de producteurs juniors, à peine sortis de l’école. Sous le pseudo de Mura Masa, il commence à publier ses tracks électro-dance sur des plateformes comme Soundcloud. Et y trouve rapidement un écho, qui dépasse largement les limites de son île…

London calling

Aujourd’hui installé à Londres, Mura Masa s’offre un premier album éponyme plutôt copieux, mais qui tient étonnamment bien la longueur. On connaît déjà le single Lovesick, sur lequel apparaît A$ap Rocky. Ces dernières semaines, on a aussi beaucoup entendu un titre comme What If I Go, qui illustre assez bien la maestria du jeune homme. Soit cette capacité à pondre un instantané pop léger comme l’air, tout en le tordant assez pour accrocher l’oreille. Cela ne tient pas forcément à grand-chose: un beat hip-hop ou des steel drum qui renvoient aux musiques caribéennes. Dans l’intro de son album, Mura Masa fait d’ailleurs entendre le son d’un métro londonien s’arrêtant à New Park Road. Soit en plein Brixton, le quartier jamaïcain de la ville. Puisque ce premier album témoigne aussi d’une vision multiculturelle de Londres, où se croisent tous les genres et toutes les musiques: pop, dance, hip-hop, UK garage, house, punk, etc.

Cet éclatement se reflète dans la (longue) liste d’invités -du rappeur Desiigner à la Française Christine & The Queens. Bénéficier d’un tel casting est évidemment à double tranchant. De surcroît pour un premier album. Si l’on ne peut s’empêcher d’imaginer les réunions de DA à gros cigares en train de dealer le générique le plus bling-bling possible, Mura Masa réussit pourtant à préserver une certaine personnalité. Comme sur Blu, où il amène Damon Albarn sur une voie inédite. On ne dit pas que Mura Masa réinvente la roue. Mais il parvient à incarner à la perfection une certaine idée de la pop en 2017. Et puisqu’il reste encore quelques mois, autant en profiter.

Mura Masa, Mura Masa, distribué par Anchor Records/Universal. ***(*)

En concert le 27/10, à l’AB (complet), Bruxelles.

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