To eat or not to eat – Bankerot

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Nicolas Bogaerts Journaliste

Bankerot

Série créée par Kim Fupz Aakeson et Malene Blenkov. Avec Martin Buch, Esben Dalgaard Andersen, Viktor Lykke Clausen, Rikke Louise Andersson, Finn Nielsen.

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Il y a quelque chose de réussi au royaume du Danemark. Borgen, The Killing (Forbrydelsen) et Bron avaient contribué à placer la Scandinavie sur la carte des séries incontournables -et indépassables, toute tentative d’adaptation US ayant déçu. Voici que la patrie de Hamlet nous offre une autre série magistralement écrite et, surtout, jouée. Non plus dans un registre ombrageux en filtre bleutés, mais dans un mélange de comédie, de série noire et de satire sociale. Bankerot (« fauché ») raconte la tentative laborieuse de deux laissés-pour-compte pour remettre la main sur l’échelle qui leur permettra de sortir du trou et d’atteindre le bouton de ce fichu ascenseur social qui n’en finit plus d’être en panne. Soit Thomas qui, suite au décès accidentel de son épouse, élève seul son fils de neuf ans, Niklas. Enfin… « élever », faut voir: Thomas a sombré dans l’alcool dès et reste prostré dans la crasse alors que son fils, que le trauma a rendu muet, cauchemarde tous les soirs et dessine des mamans écrasées sous des bagnoles. Son pote Dion, sorti de prison en liberté conditionnelle, a un contentieux financier avec le chef mafieux local, « P’tite Souris », qui manie le pied-de-biche comme Picasso le pinceau. Ces épaves en sursis ont pourtant un don: Dion est un cordon bleu et Thomas a le nez d’un sommelier d’exception. Ils s’emploient à ouvrir un restaurant pour se sortir de l’ornière. Mais pas nécessairement des embrouilles. Kurt, le père de Dion, homme d’affaires véreux sur le retour décide de mettre son grain de sable dans les rouages. Thomas, qui risque de perdre la garde de son fils, titube entre les multiples foirades du projet culinaire et la cour insistante que lui fait Hannah, rencontrée à un groupe de paroles pour multi-traumatisés. Dion, quant à lui, met la pression sur ce petit monde tout en essayant de les protéger des agressions extérieures (mafia, assistantes sociales, autorités…) et de ses propres démons. Ne se refusant aucune bravade ni audace borderline, Bankerot propose une succulente galerie de portraits que ne renieraient ni Honoré Daumier ni le Guy Ritchie de Snatch, tout en décochant ses flèches sur la mode du fooding et ses opportunistes (investisseurs, « critiques » culinaires…), la lâcheté des hommes et le dénigrement des femmes, pourtant les seules à même de ramener tous ces branquignols sur la voie du salut: celle qui consiste à faire manger pour ne pas être mangés. Vous m’en remettrez une tranche.

Nicolas Bogaerts

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