Tim Darcy (Ought) en solo: « Je rêve de chanter les chansons de ma mère sur scène »

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le chanteur et guitariste de Ought, Tim Darcy, prend la tangente et signe un premier album solo possédé et poétique, qui aime le rock, le folk, Gordon Gano et Nico…

Aussi calme, doux et posé à la ville qu’il est nerveux et agité à la scène, lorsqu’il emmène de sa dégaine et de sa voix david-byrniennes aux concerts enflammés de Ought, Tim Darcy est un garçon brillant. Curieux, cultivé, passionné, poli et propre sur lui, le grand échalas bâti comme un câble de frein a même des allures de gendre idéal. Saturday Night, son premier album solo, l’Américain en exil à Montréal l’a notamment dédié à sa maman, « sa Jeanne d’Arc, son héroïne« : Jean Darcy.

« J’ai passé la majeure partie de mon enfance avec ma mère, confie-t-il dans un salon de l’Ancienne Belgique. Elle écrit aussi des chansons. Des chansons géniales. Je rêve de l’enregistrer un jour et j’aimerais bien en chanter une sur scène lors de ma prochaine tournée. Ma maman est quelqu’un de très humble et discret. Elle n’a jamais voulu être célèbre, donner des concerts (il lui a juste créé un Bandcamp, NDLR). Elle a écrit des morceaux parce qu’ils étaient en elle. Comme disait Bukowski: « Unless it comes unasked out of your heart and you mind and your mouth and your gut, don’t do it. »« (1)

Tim Darcy (Ought) en solo:

Né en Arizona, à Willcox, élevé dans le Colorado et le New Hampshire par une amoureuse des chevaux, Tim a grandi au milieu de nulle part. « Le genre d’endroit où l’on peut regarder tout autour de soi et ne pas voir âme qui vive. » La scène, il s’y est pourtant toujours senti bien. « J’y monte avec une espèce de naïveté, sourit-il. Je suis tellement dans les chansons que ça me débarrasse de mon ego. Si tu n’échanges rien, qu’est-ce que tu fous là? Je ne porte pas de jugement. Mais c’est comme ça que je le sens. Puis, il y a un tas de manières différentes de faire passer quelques choses. Regarde l’intensité d’un Jeff Mangum (Neutral Milk Hotel)… »

Intensité. Le mot colle plutôt bien au disque, Saturday Night donc, enregistré avec des amis à Toronto. « J’ai toujours écrit des morceaux en solo à la guitare. Même avant Ought. Certaines chansons sur le disque sont d’ailleurs plus vieilles que le groupe. Mais quand ça a décollé, j’ai un peu tout mis entre parenthèses. Ce qui nous arrivait était tellement excitant. De mes 17 ans au début de notre envol, j’ai toujours eu un petit quatre-pistes cassette dans ma chambre. Et j’ai enregistré des tonnes de chansons avec une guitare et une drum machine qui baignaient déjà dans ce genre de monde. »

Ce monde, c’est notamment celui de la poésie. D’une écriture plus imagée, plus floue. « Aucune de ces chansons n’a été pensée ou destinée à autre chose qu’à un projet solo. Avec Ought, j’ai le sentiment de me mettre au service d’une espèce d’esprit du temps. Ici, je voulais être plus poétique. La poésie est une forme artistique très importante pour moi. J’en lis beaucoup. J’ai commencé à en écrire avant de faire de la musique. Même si les deux sont très connectées à mes yeux. »

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Romans, essais… Darcy est un grand lecteur. Dans son sac de voyage, il a embarqué La Maison aux esprits d’Isabel Allende. Et Sledgehammer, un bouquin de poésie de John MacKenzie qu’il qualifie de terre à terre et de sauvage. « Je suis arrivé à la poésie de manière assez curieuse, en fait. Je me suis mis à en écrire vers sept ou huit ans. Surtout excité par les réactions que je suscitais chez les vieux, épatés par ma précocité (rires). Les encouragements m’ont poussé à continuer. Puis, il y a eu les open mics. Je me suis mis à lire des trucs, à être inspiré en regardant les gens. »

Mystic river…

Fan d’Allen Ginsberg ou encore du poète américain d’origine yougoslave Charles Simic (« il a une écriture courte, simple, surréaliste et belle. Tu dois essayer The World Doesn’t End« ), Darcy l’est aussi avec discernement de Bob Dylan. Il adore Marissa Nadler et Steve Gunn, recommande le All of It Was Mine de The Weather Station. « L’appel de l’imagination… Je suis amoureux de la belle poésie et terriblement ennuyé par la médiocre. Ça peut sembler évident. Mais un bon poème, c’est comme une bonne chanson: il doit te donner envie de le relire comme elle te procure le désir de la réécouter. »

Un sentiment que procure l’intégralité d’un Saturday Night pourtant assez diversifié. « Il y a eu pas mal d’expérimentations. On a essayé plein de sons différents. On a abordé tout ça sans pression. C’est ce dont j’avais besoin artistiquement. Ce n’est pas comme si je m’étais enfermé pendant un mois dans une cabane au fond des bois et que j’en étais sorti prêt à enregistrer. Il y a une énergie particulière à ce disque liée à la façon dont on l’a fabriqué. Des moments presque psychédéliques, d’autres folks ou plus rock. Un petit son punk new-yorkais parfois aussi. »

Joan, Pt. 1, 2 et Found My Limit ont un côté Nico au masculin. Still Waking Up sonne comme du Morrissey. Entre la chorale, les incantations à la Gordon Gano (Violent Femmes), une vibe quasi mystique… « J’aime bien cet adjectif. Quand ils parlent de la Face B du disque, les gens disent qu’elle est plus expérimentale. C’est vrai. Mais ça ne m’aide pas. Expérimentale dans quel sens? Le terme « mystique », par contre, me plaît. J’aime cette idée de mystère, de brume. Ça permet à l’auditeur d’aller plus loin je pense. Si tu aimes Alice Coltrane, écoute Turiya Sings et Divine Songs. Ce sont des disques spirituels et mystiques. Avec juste sa voix et des synthétiseurs, mais pleins d’âme et de vibrations. Je suis loin de tout ça, mais j’adore. Ça m’emmène en voyage. » Have a nice trip.

(1) EXTRAIT DE SO YOU WANT TO BE A WRITER… « J’ÉTAIS EN VILLE POUR UNE LECTURE QUAND LEONARD COHEN EST MORT. UN SING-ALONG SPONTANÉ S’EST CRÉÉ À L’ÉGLISE PRÈS DE CHEZ LUI. JE REGRETTE DE NE PAS M’Y ÊTRE RENDU. ADO, J’AVAIS SONGS OF LEONARD COHEN EN VINYLE. JE L’ÉCOUTAIS SANS ARRÊT. »

Saturday Night, distribué par Jagjaguwar/Konkurrent. ****

Le 22/02 à la Rotonde (Botanique) et le 17/05 aux Nuits du Bota avec Angel Olsen et Ryley Walker.

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