Stream et châtiment

© Pierre Morel

De l’invention du MP3 aux plateformes de téléchargement, Sophian Fanen retrace l’histoire, vue de France, d’une révolution musicale toujours en cours.

Depuis qu’elle a démarré au début des années 2000, la crise du disque a eu le temps d’être largement documentée. La plupart du temps, ce sont toutefois des ouvrages issus du monde anglo-saxon qui se sont penchés sur la question. A l’instar de l’incontournable How Music Got Free, de Stephen Witt, récit passionnant dont la traduction française est sortie l’an dernier aux éditions du Castor astral (sous le titre à l’assaut de l’empire du disque). La même maison publie aujourd’hui Boulevard du stream, de Sophian Fanen. Ici aussi, il est question de retracer et d’expliquer le déclin de l’industrie musicale, atomisée comme peu d’autres par la révolution Internet. Mais cette fois, le film-catastrophe est envisagé essentiellement depuis la France. Et à vrai dire, cela reste tout aussi fascinant.

Cofondateur du média Les Jours après avoir oeuvré chez Libération, Sophian Fanen traîne depuis des années dans les coulisses du l’industrie du disque. Son Boulevard du stream est ainsi le résultat d’une enquête foisonnante, basée sur plus d’une centaine d’interviews. Un boulot solide, à propos d’un cas atypique. Appelez ça « l’exception française ». Longtemps à la traîne technologiquement, l’Hexagone a ainsi été touché plus tardivement par la vague de téléchargement illégal. Sur bien d’autres points, cependant, la France fut parmi les pionniers. Dès le départ, elle fit ainsi la course en tête pour imposer son format de compression musicale -avant que l’outsider MP3 dévéloppé en Allemagne n’emporte la mise.

Stream et châtiment

Un pas en avant, deux en arrière

C’est là que débute le récit de Sophian Fanen. Le scénario est connu: d’un côté, des internautes qui n’ont cesse d’explorer les nouvelles possibilités technologiques; de l’autre, une industrie musicale enfermée dans ses habitudes, et qui, repue par la manne du CD, ne voit rien venir. Ou fait mine de ne rien voir venir, sourde aux avertissements. Balançant les points de vue des uns et des autres, Sophian Fanen enfile les anecdotes. Il décrit notamment tous les rendez-vous manqués par les majors, et autres initiatives pour trouver une alternative légaliste au piratage du peer-to-peer, quasi toutes tuées dans l’oeuf. C’était il y a dix ans à peine. Mais certaines initiatives d’alors paraissent aujourd’hui complètement absurdes. Comme la création du « copy control », imposé par EMI, qui devait empêcher la copie de ses CD -une mesure que Dominique A par exemple trouva si vexatoire, qu’il la détourna en bourrant son album jusqu’à la gueule, rendant impossible d’y glisser encore le fameux système…

Sans être tout à fait inintéressant, on passera éventuellement plus rapidement sur le chapitre consacré aux discussions parlementaires et autres débats plus franco-français liés à Hadopi, pour arriver directement au chapitre final consacré au streaming (et principalement à la plateforme Deezer). Où là aussi, il apparaît que les majors ont traîné des pieds, avant de faire mine de jouer le jeu. Aujourd’hui, même les Beatles ont rejoint Spotify. Et les plateformes sont vues comme la nouvelle bouée de l’industrie. Un happy end? A voir…

Boulevard du stream

De Sophian Fanen, Éditions Le Castor astral, 284 pages.

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