Sissako, Timbuktu et le monde Timbuktu – Abderrahmane Sissako, cinéaste aux semelles de vent

Timbuktu oppose à l'horreur la beauté et l'imaginaire au dogme. © © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME DE ABDERRAHMANE SISSAKO. AVEC IBRAHIM AHMED DIT PINO, TOULOU KIKI, ABEL JAFRI. 2014.

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DOCUMENTAIRE DE VALÉRIE OSOUF. 2016.

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Le jury du Festival de Cannes 2014 n’a pas eu le cran de décerner sa Palme d’Or au meilleur film de la compétition. Timbuktu s’imposait comme une évidence mais le manque de courage devant la progression de l’Islam radical et la peur d’encourir quelque reproche (absurde!) d’islamophobie l’ont tristement niée. Abderrahmane Sissako n’en a pas été dupe, lui dont le film n’est pourtant en aucun cas une attaque envers la foi (un iman courageux y exprime une vision tolérante de la religion). S’il a fait Timbuktu, c’est avec un sentiment d’urgence. Car comment détourner les yeux, quand les djihadistes font régner la terreur et soumettent une population malienne à l’occupation la plus oppressante et sanglante? L’action se déroule dans les environs de Tombouctou, sous le joug de mouvements salafistes armés, qui allaient être chassés par les troupes françaises et maliennes en janvier 2013. Hymne à une résistance passant par l’humour, la musique, le choix de la lumière face à l’obscurantisme, le film de Sissako est tellement plus qu’une (nécessaire) dénonciation. Il oppose à l’horreur la beauté et l’imaginaire au dogme. Le cinéaste mauritanien, dont l’enfance se joua au Mali, sait mieux que personne filmer en poète les troubles du monde. Avec une liberté d’autant plus sublime qu’elle ose la fragilité contre la force. Martin Scorsese évoque à son propos un « calme » que Sissako lui-même exprime quand il dit « préférer chuchoter plutôt que crier ». L’intéressant documentaire de Valérie Osouf, diffusé juste après Timbuktu, révèle bien d’autres aspects majeurs du travail du cinéaste. Comme l’importance du doute (« la qualité indispensable pour faire des films »), qui ne l’a jamais quitté tout au long d’un périple qui lui a fait prendre le chemin de Moscou pour y suivre les cours de la plus ancienne école de cinéma du monde (VGIK), et qui l’amène aujourd’hui à Canton pour un film consacré aux rapports entre la Chine et l’Afrique. En passant par la côte mauritanienne d’En attendant le bonheur (2002) où s’échouait sur la plage le corps sans vie d’un jeune qui rêvait d’émigration…

SIGNALONS QUE LA TROIS DIFFUSE TIMBUKTU DÈS LA VEILLE (MARDI) À 21.15

Louis Danvers

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