S’il lui arrive de faire un pas de côté (la gouaille féroce de Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive), Christophe Donner s’ébroue avec délectation dans le bain de l’autofiction, dont ce Sexe qu’il traîne depuis plus de 30 ans. Reproduisant des fragments de journal intime, le livre arpente les boxons mexicains et leurs backrooms, glisse entre les masseurs des bains Obregon aux mines patibulaires, flaire ces lieux de débauche salutaires où « tout le monde est dans une égalité rarement atteinte ailleurs, et pas dans la drague. » Christophe y rencontre Moïse, qui lui fait tourner la tête et le sang – « Le premier baiser a duré deux heures, je ne sais plus »– lequel devient son giton… Déflorant son histoire d’amour la plus difficile à écrire, la plus douloureuse aussi, Donner est pressé d’en voir le bout pour « en finir avec ce texte intime et scabreux (…) ». Mais le roman ne se laisse pas faire, et des soucis de santé (acouphènes, agueusie) le tirent ailleurs, l’amenant à fréquenter médecins et guérisseurs. Des passages souvent cocasses où il est question de cerner l’angoisse, domptée par la magie du langage: « Otospongiose, autofiction, ça vous sonne? (…) remonter à l’enfance d’un écrivain autobiographique, c’est le gros lot. » Arrive Dora, sa future épouse, rencontre déterminante qui l’aide à coucher le peuple des mots envahissant son lit. Puis soudain, ça dérape comme dans Festen. Donner frappe fort, Donner frappe dur, sur le grand méchant Lou, un Thénardier post-soixante-huitard couvert par sa femme lors de ses perversions incestueuses. On aura compris que Sexe n’est pas un livre à prendre par-dessus la jambe. Pour dire la vérité de ses peines, « L’écriture est le seul remède au supplice de l’écriture ». Bande à part.

De Christophe Donner, éditions Grasset, 272 pages.

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