Sacrée soirée

En septembre 1973, Neil Young joue au Roxy de Los Angeles l’intégralité crue de Tonight’s the Night,album hanté qui ne paraîtra que deux années plus tard.

En 1972, l’album Harvest donne à Neil Young son statut de mégastar internationale: porté par des ballades -dont le n°1 Heart of Gold-, le disque finit en tête des ventes américaines de l’année. En rupture avec son atmosphère pastorale, Young raconte dans The Needle and the Damage Done la détestation de l’héroïne qui ravage son cercle immédiat. Il ne croit pas si bien dire: deux des sujets ayant suscité la chanson meurent d’overdose dans les 18 mois . Danny Whitten, le génial guitariste de Crazy Horse, groupe accompagnateur de Young, et Bruce Berry, roadie et ami de Crosby, Stills, Nash & Young. Ce double fauchage bouscule d’autant plus Young qu’il culpabilise sec face à la mort de Whitten: la nuit même du 18 novembre 1972 où il est viré par Young pour incapacité à jouer, Whitten, sous héroïne, meurt à 29 ans d’un cocktail d’alcool et de valium.  » J’ai reçu un coup de fil du légiste, racontait Young à Rolling Stone Magazine. La nouvelle m’a complètement rétamé. J’aimais Danny. Je me suis senti responsable. »

Sacrée soirée

Chansons-cathédrales

Essentiellement enregistré à l’été 1973, Tonight’s the Night est un album noir de colère et de tristesse. À tel point que Reprise -le label de Young- refuse de mettre sur le marché cet anti- Harvest: il ne sera commercialisé que deux ans plus tard. Tout imprégné de ses nouvelles chansons, Young improvise alors une série de concerts au Roxy, club sur le Sunset Strip de L.A. Devant des jauges de 500 fans qui ne connaissent rien de Tonight’s the Night, il en livre l’intégrale à trois titres près, oubliant au passage ses tubes référentiels. Visiblement imbibé, Young lâche des conneries genre  » Bienvenue à Miami Beach » mais la musique, elle, taille des costards au frivole, poussée par l’impeccable groupe des Santa Monica Flyers: Nils Lofgren au piano et à la guitare, Ben Keith à la pedal steel guitar et la section rythmique de Crazy Horse, Billy Talbot et Ralph Molina. Des sentiments de mort et de désolation, de l’overdose définitive du rêve hippie, des poudres ruineuses, Young bâtit des chansons-cathédrales: Tonight’s the Night évidemment, mais aussi Albuquerque, New Mama et ce Tired Eyes qui, sous perfusion mélancolique, raconte un deal qui tourne très mal. Le son est clair, rond et charnel, épuré du noise et des longueurs que Neil affectionne généralement, y compris dans Walk On, inédit à paraître sur On the Beach l’été suivant. Sensations globales d’un Young au sommet narratif comme sentimental. Rien à voir avec l’autre sortie du moment, Paradox (Warner) où Neil Young + Promise of the Real livrent la BO du film de Daryl Hannah, actuellement sur Netflix. Une paire de chansons, des impros ébréchées, un rush de guitares électriques, pour un résultat strictement anecdotique.

Neil Young

« Roxy – Tonight’s the Night Live »

Distribué par Warner.

9

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content