Retour d’acide

OÙ DANNY BOYLE REVIENT SUR LA GENÈSE D’UN FILM FORCÉMENT ATTENDU…

C’est avec un mélange de curiosité, de scepticisme et même d’appréhension que l’on avait accueilli la nouvelle d’une seconde cuvéeréunissant, 20 ans plus tard, les protagonistes de Trainspotting, un film ayant fait date dans l’Histoire du cinéma, britannique et au-delà. À l’autopsie, T2 Trainspotting,comme il convient de l’appeler, tient plutôt bien la distance. Sans pouvoir prétendre ni à l’urgence, ni à l’impact de l’original, il y a là une relance mieux qu’honorable, ayant pour bonne part substitué aux substances acides l’amertume du temps qui passe. Un décalage totalement assumé pour une relecture qui, si elle cite abondamment son modèle, ne s’en veut pas la suite, et encore moins le remake, comme l’expliquait Danny Boyle lors de sa conférence de presse berlinoise. « Nous voulions faire un film indépendant du premier, avec lequel il entretiendrait un dialogue. L’intérêt du public pour Trainspotting n’ayant pas faibli, nous avons voulu y revenir et retrouver les mêmes acteurs dans leurs rôles. Nous sommes d’abord partis de Porno, la suite écrite par Irvine Welsh dix ans plus tard. Mais si la première adaptation, fidèle, de John Hodge (déjà scénariste de Trainspotting, NDLR) tenait la route, je ne l’ai pas fait suivre aux acteurs dont je savais qu’ils refuseraient: il ne s’agissait pas de décevoir les spectateurs avec une suite sans autre raison d’être. Et puis, il y a deux ans de cela, nous nous sommes retrouvés à Edinburgh Irvine, John, les producteurs et moi, nous avons discuté du roman et John a cette fois écrit quelque chose de beaucoup plus personnel, touchant au temps et à l’évolution du comportement masculin au regard de celui-ci. J’ai lu ce scénario encore inachevé et j’ai su que les comédiens voudraient en être. Tout s’est donc fait à l’instinct, ils ont accepté, et nous voilà aujourd’hui à la Berlinale. »

Et de fait, si le film, qui s’ouvre sur le retour de Mark Renton (Ewan McGregor) à Edinburgh, est souvent très drôle, il tient aussi de bilan intermédiaire de l’existence, traversé par la sourde angoisse du temps qui passe. Et Boyle d’enfoncer le clou: « C’est aussi un film assez douloureux. Je savais que les acteurs injecteraient leur propre expérience dans les personnages, et que nous obtiendrions un résultat pouvant tutoyer l’original, et non juste une redite ou un retour.« Histoire de marquer le coup, le réalisateur a tenu à un titre s’écartant de celui de l’original -d’où ce T2, réminiscent, bien sûr, du Terminator de James Cameron. « Nous nous sommes dit que si les personnages avaient dû lui trouver un titre, ils l’auraient baptisé d’après l’un des meilleurs films jamais tournés à leurs yeux. D’où Terminator 2, par un des plus grands cinéastes en activité. Une façon, pour eux, de lui rendre hommage et de le chambrer un peu…« Même exercice de citation et de distanciation au niveau de la bande-son, familière mais différente: « Nous voulions renouer avec la puissance de l’original. Il y avait là un outil de choix, même si nous nous sommes juré de ne pas reprendre la même musique, mais de la repenser et de la remixer. Nous avons eu la chance que Prodigy accepte de faire un remix du Lust for Life de Iggy Pop, et qu’Underworld réimagine son Born Slippy. Nous jouons de la mémoire musculaire, mais nous y avons aussi adjoint un soundtrack moderne, et une pulsation contemporaine, en faisant appel à un groupe d’Edinburgh, The Young Fathers. » Manière de renouer avec l’ADN de l’histoire imaginée par Irvine Welsh, tout en tirant le meilleur parti d’une fibre nostalgique dont Danny Boyle constate qu’elle constitue « une ressource et un ennemi en même temps. Il faut l’avoir sous contrôle…« . Histoire de la transcender. Choose life, en somme…

J.F. PL.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content