Rentrée libre

© © MARTIN BELOU, COURTESY LEVY DELVAL
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Chez Levy.Delval, Martin Belou remue nature et culture à la faveur de Théâtre américain, probablement l’exposition la moins formatée de ce mois de septembre.

Théâtre américain

Martin Belou, Levy.Delval, 9 rue Fourmois, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 28/10.

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C’est l’une de ces expositions complexes, sur laquelle il est difficile -voire impossible- d’apposer une étiquette, que programme une nouvelle fois la galerie Levy.Delval. Dès l’entrée, le visiteur est accroché par les narines. Une tenace odeur de feu de cheminée le guide jusqu’à l’étage. Autant dire que l’on se sent d’emblée chez soi. En chauffant des copeaux de cèdre au moyen d’un réchaud à gaz de fortune, le Français Martin Belou (L’Union, 1986) tire les ficelles d’une mécanique qui remonte à la nuit des temps. L’air de rien, c’est un voyage en nous qu’il initie. Les particules brûlées évoquent ce contrôle du feu, condition sine qua non de la culture. Mentalement, c’est l’image du foyer qui se dessine. Le feu, c’est la survie de l’homme en milieu hostile, c’est la possibilité d’habiter un univers dont nous n’avons jamais été et ne serons jamais le centre. « Un feu pour vivre mieux« , écrivait Paul Eluard dans Le Livre ouvert. Ce « marketing » olfactif des origines n’est pas là pour rien, il renvoie directement à des sortes de bas-reliefs épinglés sur les murs de la galerie. Après le feu tout court dans sa manifestation la plus éthérée, c’est au tour de la terre travaillée par la flamme de requérir l’attention du visiteur. On s’approche et l’on découvre des motifs noircis assez universels, oiseaux ou doigts étonnamment réalistes du plasticien imprimés à même l’argile. C’est aussi l’idée d’une pièce de monnaie qui se profile, ce lien qui circule entre les hommes, cette confiance matérialisée. L’impression dominante est d’assister à une sorte de projection en accéléré de l’Histoire de la civilisation. Pas de doute, comme on a pu le lire à propos de l’intéressé, Belou joue avec « les formes et les différents rituels qui ont traversé les différentes époques de l’humanité« .

Rideau de fer

Martin Belou ne se contente pas de brasser les ères, il s’est consciencieusement appliqué à épouser les volumes, pourtant pas faciles, de la galerie. Strié par de nombreuses colonnes sagement alignées, l’espace a subi une sorte de dédoublement anarchique en raison de l’ajout de totems de plâtre qui évoquent l’émergence du spirituel. Leur verticalité boiteuse suggère une mystique bricolée, celle du notoire « emplâtre sur une jambe de bois » auquel il n’est pas interdit de réduire le religieux. Les piliers originaux, quant à eux, sont ornés de symboles puissants: des pommes de pin en plâtre, celles dont on a saupoudré l’Antiquité, et dont on sait qu’elles renvoient à la fameuse glande pinéale, siège de l’âme pour Descartes. La structuration de la galerie par Belou culmine tout particulièrement dans un grand rideau traçant une frontière diagonale et instaurant un seuil aux contours chamaniques. Constitué d’acier, de cuivre et de laiton, cette barrière semi-matérielle prend des allures de pluie. Des pointes de flèches, des vulves et de petits poissons étincelants dévalent du plafond. Pour peu qu’un rayon de soleil caresse la pièce, c’est carrément à un choc esthétique qu’est confronté le visiteur. On ne suspectait pas que les oeuvres considérées dans leur totalité offrent une telle harmonie. Passé le check-point, c’est devant un étrange autel que l’on s’arrête. Sur celui-ci -qui pourrait être une châsse dans la mesure où quatre extrémités métalliques semblent attendre deux porteurs- plusieurs cylindres en plâtre, d’étranges cucurbitacées et des socles séchés où poussent des champignons de culture composent une danse à l’érotisme vénéneux.

www.levydelval.com

MICHEL VERLINDEN

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