Relecture du façadisme

© LA HAVANNE - MUR N°1 - 2005 © STÉPHANE COUTURIER
Bernard Marcelis Journaliste

Ce qui frappe d’emblée dans les images de Stéphane Couturier, doublement exposé ce mois à Bruxelles et Charleroi, c’est leur frontalité. Dans les oeuvres récentes du photographe français (né en 1957 et vivant à Paris), les façades des immeubles ne semblent être que surfaces planes, sans perspectives. Leur trame est omniprésente, même si elle peut parfois sembler confuse. Elle rythme ses compositions qui intriguent par leur apparente banalité, d’autant que la présence humaine pourrait sembler inexistante. Elle apparaît en filigrane, depuis les objets domestiques en tous genres bordant les bords de fenêtres jusqu’aux impressionnantes machines-outils présentes dans les usines d’assemblage qu’il a photographiées de par le monde. Ces images particulièrement colorées témoignent d’une certaine organisation visuelle de notre société, qu’il s’agisse d’usines, de logements, de chantiers qui peuplent périphéries, banlieues ou centres-villes. Sous ses aspects distanciés, la photographie de Stéphane Couturier nous en dit beaucoup sur notre mode de vie et notre rapport à la réalité qui le constitue en partie.

Adepte à ses débuts d’une « archéologie urbaine » en prise directe avec de grands chantiers de rénovation (Paris) ou de reconstruction (Berlin, Dresde), le photographe français a toujours joué d’une certaine ambiguïté en privilégiant la juxtaposition des plans. L’irruption de la photographie digitale lui a permis d’aller beaucoup plus loin dans cette voie et d’opérer de réelles reconstructions photographiques en fusionnant littéralement images réelles et virtuelles dans une stupéfiante cohérence. Face à ses photographies, il est difficile de faire la part entre la réalité et la fiction, comme si toutes n’étaient que des leurres, insoupçonnables pour un regard hâtif. Couturier ne nous donne pas seulement à voir, il nous apprend à regarder une réalité qu’il a subrepticement déconstruite pour mieux la réinterpréter. Exposer de telles images dans un pays où le façadisme a longtemps été un dogme urbanistique ne manque pas de piquant. Le travail de Stéphane Couturier ne camoufle pas, il révèle pour qui sait regarder.

Stéphane Couturier, Alger la Blanche, à La Galerie Particulière, 14 place du Châtelain, 1050 Bruxelles, jusqu’au 28/10.

Stéphane Couturier, au Musée de la Photographie, à Charleroi (Mont-sur-Marchienne), jusqu’au 03/12.

À lire: Stéphane Couturier, Éditions Xavier Barral, Paris, 2016.

Bernard Marcelis

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