Raymond la science

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Un coffret retrace la période sixties et un peu plus de Raymond Scott, pionnier US expérimentant le synthé entre dadaïsme enfantin et musique concrète.

Raymond Scott

« Three Willow Park-Electronic Music From Inner Space 1961-1971 »

Distribué par V2 Records

8

Sur YouTube, on peut voir Mark Mothersbaugh, parler de Raymond Scott. Ces jours-ci, le mentor de Devo ressemble au Colonel Sanders de Kentucky Fried Chicken, mais Mark collectionne les synthés plutôt que le poulet pané, d’où l’acquisition du Motown Electronium construit par Scott. Séduit par ce qui ressemble à un ancien standard téléphonique, Motherslaugh se demande surtout à quoi peut bien servir l’armada de boutons de l’engin. Si celui-ci est un rébus, alors il rejoint la vraie vie de Raymond Scott, mort en 1994 à 85 ans après un parcours partagé entre musicalités pros, passions farfelues et travaux d’inventeur. Diplômé de la très sélect Juilliard School Music new-yorkaise, Harry Warnow de son vrai nom, est fils d’immigrants juifs installés à Brooklyn: initialement, il n’échappe pas à son époque, intégrant des ensembles jazz/swing et se produisant à la radio. Dès les années 1940, ses compositions se trouvent d’ailleurs réorchestrées dans les cartoons -plus d’une centaine, dont Bugs Bunny- et bien plus tard, reprises dans des séries contemporaines à la Simpsons. Mais dès la fin de la guerre, son goût de l’innovation amène Scott sur le terrain de l’électronique où il croise Bob Moog qui lui fabrique des circuits intégrés. Ceux-ci sont initialement à destination de la consommation courante: avant de mettre au point ses machines musicales, Scott crée des objets tels qu’alarmes, sirènes ou distributeurs automatiques.

Guère étonnant qu’un certain nombre de sons rassemblés sur le coffret Three Willow Park –sa base de création à Long Island- sonne comme la métaphore de l’environnement sixties consumériste. Ainsi se déroule l’essentiel du premier des deux CD du coffret: une bonne humeur un rien naïve, aux allures de jus de carottes revigorant que Scott recycle dans plusieurs moments autour du terme Nice. Se décrivant comme « ingénieur primitif », il ose aussi bien la Pygmy War Dance évoquant un concours de pets à la Spike Jones que Rhythm Sample aux nappes futuristes. C’est évidemment la période de création concernée (1961-1971) qui donne à cette production le must aventurier. Qui, surtout sur le second disque, installe davantage de genres, que ce soit un format proche de la musique concrète chère à Pierre Schaeffer, (Cat Concerto) ou un style quasi-chanson. Notamment dans les variations du titre Portofino, aussi langoureux que le sax venu border ses rêveurs rivages, tube pop potentiel décliné dans le récent album de reprises également distribué par V2 (The Portofino Variations), entre autresinterprété par Jacco Gardner ou Metropole Orchestra.

PHILIPPE CORNET

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