Pionnières à Hollywood

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Melanie Benjamin retrace, dans une fiction ultra documentée, l’amitié hors norme qui devait unir l’écrivaine Frances Marion à l’actrice Mary Pickford.

La première, Frances Marion, de son vrai nom Marion Benson Owens, fut l’une des scénaristes les plus en vue de son temps, la première femme à obtenir l’Oscar de la meilleure adaptation (pour The Big House de George W. Hill, en 1930), avant de récidiver deux ans plus tard pour The Champ de King Vidor. La seconde, Mary Pickford, née Gladys Louise Smith, fut promptement consacrée « petite fiancée de l’Amérique », avant de donner au terme de star tout son éclat, triomphant à l’écran de The Poor Little Rich Girl à Coquette –sa gloire, cependant, ne survivrait guère au parlant-, non sans avoir cofondé au passage, en 1919, les studios United Artists en compagnie de Douglas Fairbanks (son mari à la ville), Charlie Chaplin et D.W. Griffith. Femmes indépendantes dans un monde d’hommes, elles allaient nouer une amitié hors norme que s’emploie aujourd’hui à faire revivre Melanie Benjamin (à qui l’on devait déjà Les Cygnes de la Cinquième Avenue, autour de Truman Capote) dans un Hollywood Boulevard à deux voix. Manière, écrit-elle, de  » saluer des femmes courageuses à qui l’on doit la création de Hollywood tout autant qu’à Louis B. Mayer ou Sam Goldwyn, et qui ont ouvert la voie aux femmes qui travaillent de nos jours dans le cinéma » .

Hollywood Boulevard, de Melanie Benjamin, Éditions Albin Michel, 510 pages.
Hollywood Boulevard, de Melanie Benjamin, Éditions Albin Michel, 510 pages.

Les seules filles sur la photo

Fiction ultra documentée, le roman s’attarde longuement sur leur collaboration -Marion devait signer de nombreux scénarios pour Pickford, de The Foundling d’Allan Dwan, en 1915, à Secrets, son dernier rôle, pour Frank Borzage, en 1933- tout en confrontant leur complicité, humaine comme créative, aux aléas et aux exigences de la célébrité. Au-delà de cette relation, tumultueuse, c’est à la naissance d’une industrie, voire même d’un monde, que l’on assiste, l’auteure réussissant à restituer avec talent l’effervescence qui s’empara alors de Hollywood. Et cela, du jour où, débarquant de San Francisco, Frances Marion s’entend dire par une logeuse  » Nous ne prenons pas le cinéma », le terme, suspicieux, désignant une catégorie de gens et non un art qui n’en était encore qu’à ses balbutiements, à cet autre où, accompagnée de Mary Pickford, elle découvre The Birth of a Nation, de D.W. Griffith, le cinéma s’en trouvant propulsé dans une autre dimension. La suite n’est pas moins passionnante, qui convoque des seconds rôles prestigieux -Chaplin et Fairbanks, bien sûr, mais encore Erich von Stroheim, Mabel Normand, Gloria Swanson, Harold Lloyd, Rudolph Valentino et Greta Garbo-, tous happés par la révolution du 7e art. Elle retrace aussi le combat opiniâtre de ces deux femmes pour s’imposer dans un microcosme largement masculin -les pages consacrées à la projection de The Poor Little Rich Girl aux dirigeants du studio sont, à cet égard, particulièrement révélatrices-, l’une et l’autre gagnant toutefois leur indépendance quitte à en payer le prix, pionnières de Hollywood et, partant, « seules filles sur la photo« …

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