Park Chan-wook

Emmené par Pedro Almodóvar, le jury de la Compétition officielle de cette 70e édition cannoise ne manque pas d’allure: de Jessica Chastain à Paolo Sorrentino, d’Agnès Jaoui à Will Smith, de Maren Ade à Gabriel Yared… Parmi eux, Park Chan-wook, le cinéaste coréen adepte de la manipulation et de l’ultra-violence, fait figure d’incontournable, lui dont l’histoire s’est précisément écrite sur la Croisette. En 2004, en effet, le président Quentin Tarantino tombe raide dingue de son Old Boy, film de vengeance complètement marteau à la grandiloquence quasi opératique, et compte bien lui décerner la Palme d’or. Ses compagnons jurés ne l’entendront pas de cette oreille, et c’est finalement le Fahrenheit 9/11 du compatriote Michael Moore qui décrochera très consensuellement la timbale, Old Boy devant se « contenter » du Grand Prix. Qu’à cela ne tienne: un nouveau maître du cinéma de genre auteuriste est né aux yeux de la cinéphilie internationale.

Ancien critique de films, Park Chan-wook a déjà quatre longs métrages à son actif quand il explose à Cannes en 2004, dont les singulièrement percutants Joint Security Area et Sympathy for Mister Vengeance. « La plupart des réalisateurs viennent au cinéma progressivement, leur passage derrière la caméra est le fruit d’un long cheminement, raconte-t-il alors qu’on le retrouve en mars dernier au Festival International du Film Policier de Beaune. Ce n’est pas mon cas. Je me souviens du moment exact où j’ai décidé de devenir cinéaste, irrévocablement. J’avais 23 ans et j’étais occupé à regarder le Vertigo d’Alfred Hitchcock. Le film n’avait aucun sous-titre et était diffusé à partir d’une VHS de mauvaise qualité, mais je me suis senti immergé tellement profondément dans cet univers fictionnel qu’il m’est soudainement apparu impensable d’envisager un autre métier que celui-là. C’était comme faire un rêve en plein jour. »

Exprimer l’indicible

Le motif du rêve, ou peut-être plutôt du cauchemar, traversera dès lors logiquement toute son oeuvre, qui s’applique à revisiter les genres en les pervertissant: comédie romantique entre une suceuse de piles et un schizo (I’m a Cyborg, But That’s OK en 2006), film de vampire avec un curé (Thirst en 2009, Prix du Jury à Cannes)… Styliste libre et inventif, le Coréen d’aujourd’hui 53 ans définit la mise en scène comme une addiction. « J’aime construire mes films autour d’histoires de vengeance parce que celle-ci me sert de révélateur de la nature humaine. La vengeance requiert une énergie folle et n’apporte aucun bénéfice: elle en dit long sur la bêtise de l’homme. » Pessimiste, Park Chan-wook? Carrément. Même si « dans ses erreurs, l’homme est aussi capable d’amour« , sourit-il mi-convaincu.

L’an dernier, dans la foulée d’une expérience anglo-saxonne fort peu emballante (Stoker en 2013, avec Nicole Kidman et Mia Wasikowska), c’est encore à Cannes, en compétition officielle, qu’il présente son dernier film en date, The Handmaiden, soit un mélange vertigineux d’élégance et de folie carburant à l’audace. Thriller érotique explosif, le film le voit renouer avec le meilleur de son travail, guidé par cette idée maîtresse: « Le cinéma se doit d’exprimer l’indicible. » Park Chan-wook, juré chic et choc.

N.C.

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