Nostalgie camarade

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

QUAND UN RESCAPÉ MYTHIQUE DES SIXTIES S’ASSOCIE AVEC L’UN DE SES FILS, LES BALLADES SPLEEN ET QUELQUES SHOTS DE ROCK DESSINENT UNE NOUVELLE GRÂCE.

Dave Davies & Russ Davies

« Open Road »

DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

8

Le scepticisme quasi-légendaire d’un rédacteur de Focus à l’évocation d’une page dédiée à un album de Dave Davies et de son fiston est significatif. De fait, Davies -70 ans depuis peu- ne semble guère plus avoir d’existence musicale consistante en 2017. Pilier fondateur des Kinks avec son frère aîné et ennemi favori Ray, Dave a toujours été redevable à ce dernier, leader et compositeur d’un groupe séparé de facto depuis 1996. La science du riff lourd incarnant une bonne part de la saga Kinks fut pourtant le fait du guitariste Dave, inventant dès 1964 le punk avec You Really Got Me. Parallèle à un chemin de croix perso marqué par alcool, drogues et womanisation, la carrière solo peu éclatante de Dave ne produira qu’un seul tube majeur, Death of a Clown, en 1967…

En surplus des doutes et faillites multiples, la vie dissolue du cadet -viré de l’école à quinze ans pour cause de coucherie- bascule lorsqu’une attaque cérébrale, à l’été 2004, le frappe durement. Mais on n’enterre pas si facilement la vieille Albion: revenu des humiliations de l’AVC, Dave Davies a depuis lors enregistré une paire d’albums, même si c’est plutôt dans l’indifférence commerciale. Dont, en 2010, un disque électropop avec Russ Davies, l’un de ses six fils, sous le nom de The Aschere Project.

Open Road affirme, lui, un format chanson rock défini dès le premier morceau, Path Is Long: évoquant un temps qui galope désormais mais aussi la jouissance qui peut encore venir, emballée en refrain optimiste, « Life is beautiful« . Ce qui dope cette carte sentimentale, c’est moins la patine des souvenirs exhumés que la dimension déchirante de la voix et de la mélodie. Parfois entendu chez les Kinks, Dave chante comme si c’était le dernier tour de table auquel il conviait, sans pudeur, tous ceux qu’il a pu croiser. Y compris ses fantômes de gamin entassé dans la petite maison ouvrière de Muswell Hill avec ses six soeurs aînées et le bientôt fameux frangin Ray.

La grâce du disque est là, dans Don’t Wanna Grow Up ou le merveilleux Forgiveness, ballades semblant avoir toujours préexisté à la tristesse et aux échecs, nourris de cette mélancolique grandeur anglaise qui bien après les années 60 réapparaîtra chez Blur et même l’irritant Peter Doherty. D’autant que l’élégance de la majorité des morceaux s’appuie sur des guitares qui saignent encore (Kings of Diamonds) mais aussi ces claviers et cordes soumis à ce qui incarne autant un rock majeur qu’un début de fatal requiem.

PHILIPPE CORNET

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