Night vision

© BRUNO CLÉMENT

Pour son troisième album, la Française Chloé réussit à élargir et enrichir ses rêveries techno, entre ruminations nocturnes et sérénité des grands espaces.

« Endless Revisions »

Petite séance de rattrapage. Parce que publié à la fin de l’année dernière, pile au moment où les maisons de disques dégainaient leurs ultimes cartouches avant d’hiberner pendant les fêtes, on n’avait pas encore pris le temps de disserter sur Endless Revisions, le nouvel album de Chloé. Faute avouée, à moitié pardonnée. D’autant que la DJ/productrice française nous facilite les choses: comme avec ses précédents efforts (The Waiting Room en 2007, One in Other, en 2010), Endless Revisions balaie toute date de péremption, oubliant de jouer l’effet de mode pour préférer une techno élégante et intemporelle.

Elle est comme ça, Chloé Thévenin. Dès ses débuts par exemple, aux platines du Pulp, dans les années 2000, elle prônait une musique électronique à la fois hédoniste et cultivée, dansante et racée, préférant développer des histoires personnelles lors de set au long cours, plutôt que de céder aux paillettes du DJing fast-food. Résidente au Robert Johnson (Francfort), régulière du Rex ou de la Fabric londonienne, elle est ainsi devenue au fil du temps une figure incontournable de la scène techno française. Une position dont Endless Revisions profite, non pas pour assurer la prise, mais bien au contraire pour élargir le regard et ses horizons musicaux.

Night vision

Ce n’est pas tout à fait une surprise. à l’image de son travail de ces dernières années -d’une BO pour Blackmail, le dernier muet d’Hitchcock, ou celle de Paris la blanche de Lidia Terki, en passant par des expérimentations menées en collaboration avec l’Ircam ou la production des copains indus-noisy de Nova Materia-, Chloé explore. De la même manière, Endless Revisions ne se contente pas d’aligner les saillies techno. Comme son nom peut le laisser deviner, Outer Space est une sorte de méditation interstellaire, où se mêlent guitare acoustique, choeurs fantomatiques et bips d’un satellite en perdition. Sur Recall, Ben Shemie (du groupe Suuns) « rave » (sic) une house élastique au ralenti, tandis que plus loin, c’est Alain Chamfort qui vient glisser son crooning désabusé sur le sombre Androgyne.

Le titre même de l’album peut suggérer qu’il a fait l’objet de multiples corrections, adaptations et autres retouches. D’où peut-être parfois l’impression d’un disque maîtrisé jusqu’à l’extrême. La techno d’Endless Revisions n’a pourtant pas besoin de grands effets de manche ou de déborder pour toucher. En fait, à l’instar de la pochette (une photo de l’artiste Noémie Goudal), elle s’acharne surtout à faire le pont entre abstraction et matière organique, formes mathématiques et grands espaces. Pour le morceau Because It’s There, longue rumination nocturne de sept minutes, Chloé s’inspire ainsi de la réponse qu’avait faite l’alpiniste George Mallory au journaliste lui demandant pourquoi il s’acharnait à vouloir atteindre au sommet de l’Everest. « Parce que c’est là », avait-il tranché, lapidaire. Quelque part, le moteur musical de Chloé ne doit pas être plus compliqué que cela.

Chloé

Distribué par Lumière Noire

8

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