Manhattan Beach

En 1934, à Manhattan Beach, ils sont trois à enchâsser leurs destins. Dexter Styles, patron louche de boîte de nuit à la belle-famille respectable, a accepté un rendez-vous avec Eddie Kerrigan. Le solliciteur irlandais, audacieux, doit trouver un meilleur filon pour subvenir aux besoins d’Agnès, sa femme, et de leur fille cadette Lydia, handicapée sans autonomie. Peu lui importe l’immoralité que le gangster peut insuffler à sa vie. Anna (son aînée délurée) l’a accompagné et elle pressent bien qu’il se joue là quelque chose de sérieux qu’elle devra pourtant taire. Six ans plus tard, Kerrigan a disparu, sans explication pour les trois laissées-pour-compte. Au vu de l’effort de guerre, Anna travaille dans un atelier de construction navale à Brooklyn mais rêve d’enfiler une combinaison de scaphandrier. Voilà l’un des motifs de choix de ce roman sous tension: dans cet univers mâle verrouillé, face à un chef-instructeur exécrable, nous plongeons comme Anna en apnée, approuvant sa résistance farouche pour imposer son talent. C’est avec la même hardiesse qu’elle s’approchera de Dexter, persuadée qu’il est mêlé à l’évapora- tion de son père… Jennifer Egan ( Qu’avons-nous fait de nos rêves?) dote ses trois protagonistes de nuances appréciables et serpente à travers les hangars de New York comme sur un terrain de jeu miné et trouble, où les révélations peuvent imploser à tout instant. Elle signe là un pavé qui ne fait pas plouf, jonglant prestement avec les anfractuosités humaines et une époque souvent retracée mais à laquelle elle adjoint des sphères insolites.

De Jennifer Egan, éditions Robert Laffont, traduit de l’anglais (États-Unis) par Aline Weill, 552 pages.

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