Les rois du gag

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Judd Apatow, actuel nabab du rire à l’écran, s’entretient avec les plus grands noms de la comédie made in USA dans un livre aux allures de bible de l’humour.

 » Comment écrit-on une blague? »  » Faut-il tourner un film avec sa femme? »  » Pourquoi quelque chose est-il drôle? »  » Jusqu’où aller dans le ridicule? »  » C’était comment de travailler avec Andy Kaufman? » Amusantes, futiles ou carrément existentielles, ces questions, et bien d’autres, Judd Apatow, le réalisateur de The 40-Year-Old Virgin, Knocked Up et Funny People, producteur ciné (les films Superbad, Pineapple Express, Bridesmaids) et télé (les series Freaks and Geeks, Girls, Love) patenté, tente d’y répondre en compagnie des plus grands noms de la comédie américaine. Issu lui-même du stand-up, Apatow reste avant tout un raconteur d’histoires. Ce qu’il y a de majeur, chez lui, c’est cette capacité rare à faire dialoguer le graveleux et l’intime, la grimace et la fêlure. Ce grand écart est partout dans son travail: obsédé par le sexe, il ne cesse de buter sur la frustration; couronné de succès, il demeure fasciné par la question de l’échec. Pour Apatow, en effet, la comédie est et doit rester un genre de marginaux. Ancien coloc d’Adam Sandler, avec qui il passait son temps à faire des blagues téléphoniques tout en vénérant les films de John Cassavetes, il en a redéfini les codes en profondeur et a multiplié les collaborations. Sarah Silverman, Chris Rock, Steve Martin, Louis C.K., Mel Brooks, Lena Dunham, Mike Nichols, Stephen Colbert, Jon Stewart et même Spike Jonze, le réalisateur de Being John Malkovich, qui confesse devoir tout à Sonic Youth et livre le témoignage le plus honnête et le plus éclairant de l’ouvrage… Ils sont tous là pour réfléchir à leur rapport à l’humour, mais aussi à la famille ou à la spiritualité. Des personnalités souvent angoissées et marquées par l’abandon -sauf Jerry Seinfeld, bien sûr…- qui se dévoilent sans tabous ni oeillères, portant un regard tendre et amusé sur la condition humaine. Où l’on apprend notamment comment Seth Rogen a commencé le stand-up à treize ans dans un bar lesbien ou que la religion de Harold Ramis se résume en quelques mots:  » La vie est absurde, alors pourquoi ne pas être un type bien? »

Les rois du gag

 » Plus on me paie, plus j’ai envie de me rebeller, lâche de son côté l’intenable Jim Carrey. Je veux aller là où on me déteste, pour reconquérir. » Un peu répétitif, parfois très dans l’entre-soi, l’ouvrage, riche en improbables anecdotes, est surtout truffé de fulgurances et d’esprit. Pour Amy Schumer, par exemple, poser la question de la spécificité de l’humour féminin revient à se demander si les Juifs sentent le jus d’orange. Le mot de la fin revient à Apatow lui-même, accumulateur compulsif dont le stakhanovisme naît de l’angoisse que tout s’effondre:  » Je pense que si j’ai bien fait les choses, c’est parce que j’ai grandi dans la peur de ne pas bien les faire. » Désarmant.

Mes héros comiques

Entretiens de Judd Apatow, Éditions Capricci, 360 pages.

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