Yvan Attal célèbre les différences avec Brio

Yvan Attal dirige Camélia Jordana dans Le Brio, récit d'une alliance inattendue entre un professeur d'université réac et une jeune étudiante venue des cités. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Dans Le Brio, Yvan Attal célèbre les différences et une culture disponible à tous. Un film « un peu chauvin », dit-il…

Il déambule, taciturne, dans le couloir du palace parisien où s’organise -non sans mal- la journée presse de son nouveau film, Le Brio (lire la critique ). Yvan Attal rentre, fatigué, d’une série d’avant-premières pour lesquelles il a sillonné la France et participé à de nombreux débats d’après projection. « On ne sait jamais comment les spectateurs vont réagir, mais voir chaque soir des gens, des jeunes très souvent, se lever et simplement exprimer leur gratitude pour le film m’a rappelé pourquoi je fais ce que je fais, et l’a justifié aussi… » L’acteur devenu réalisateur depuis 2001 avec Ma femme est une actrice sait bien que Le Brio va faire controverse, avec son récit d’une alliance inattendue entre un vieux prof d’université réac, même un peu raciste, et une étudiante d’origine maghrébine venue d’une banlieue dite difficile. Attal a lui-même grandi à Créteil, dans une famille juive sépharade déracinée d’Algérie. Il ne se sent pas moins concerné par le sujet du Brio qu’il ne l’a été dans son film précédent, un Ils sont partout dont il regrette aujourd’hui le caractère un peu démonstratif, théorique (« Je voulais parler de l’antisémitisme et le sujet n’a pas assez pris chair, je n’ai peut-être pas consacré assez de travail à l’histoire, aux personnages.« ). Cette fois, l’incarnation est totale, grâce à une interprétation vibrante (de Daniel Auteuil et Camélia Jordana) mais aussi à un scénario abondamment nourri.

Une histoire avant toute chose

« J’aime prendre les choses dans l’ordre et m’y tenir, explique le réalisateur. D’abord tout faire pour que le scénario, cette base absolue, fonctionne pleinement. Puis, au tournage, filmer ce scénario le plus fidèlement possible. Enfin, au montage, concentrer ce qui a été filmé. Sans vouloir tordre les choses qui ne doivent pas l’être. Ce n’est que lorsqu’un problème se produit qu’il peut falloir rectifier quelque chose. On se fie à son intuition. Parfois on se trompe. Parfois pas. »

L’idée de suivre le parcours d’une jeune femme qui veut faire son chemin sans entrer dans des cases, puis celle du clash avec un prof qui classe les gens trop vite et va devoir composer, Yvan Attal, ses co-scénaristes et ses interprètes, ont su les porter vers le spectateur en évitant les pièges évidents du sentimentalisme, de la bonne conscience facile. « Il y a les films qui ne disent rien, et ceux qui disent quelque chose, commente-t-il. Si on a quelque chose à dire il faut une histoire, c’est la seule chose qui compte, c’est elle qui donne le cap et guide le reste. Je ne fais aucun plan au hasard, il faut que chacun d’eux raconte quelque chose et que ce quelque chose soit au service de l’histoire. »

« Mon éducation, les films qui m’ont éduqué, sont tous classiques et narratifs, des films de raconteurs d’histoires comme ceux d’un Sidney Lumet, d’un Woody Allen, d’un Francis Ford Coppola… » Attal aime particulièrement Lumet, « dont la conscience sociale et le regard critique passaient toujours par l’incarnation, sans asséner de message mais en touchant les spectateurs« . La claire dimension politique du Brio, son réalisateur n’en fait pas une bannière, adoptant en entretien une réserve un peu frileuse que le film n’a heureusement pas. « Le sujet vit en nous depuis des années, il nous travaille toujours avec plus d’urgence. Le film y introduit un enjeu particulier: la langue française, symbole de ce pays, de ses auteurs, de sa culture… C’est un film chauvin, un peu, au fond! Un film qui dit à quel point la France est un pays sublime, dans lequel on peut s’élever, où la culture est à la disposition de tous, une culture qu’il serait dommage de ne pas aller chercher, de ne pas s’approprier. »

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Signal d’alarme

Des penseurs épinglant sombrement le déclin culturel, économique et moral de la France, et qu’on a regroupés médiatiquement sous l’appellation « déclinistes » ou « déclinologues« , Attal dit qu’ils « tirent un signal d’alarme différemment de notre manière, qui est plus douce, plus positive sans doute« . Et Le Brio prend soin, de fait, d’éviter toute généralisation, toute caricature, osant une complexité bienvenue en ces temps de débat tranché façon bien et mal, noir et blanc. « Quelqu’un peut avoir tort souvent et raison parfois tout de même. Je ne peux condamner un personnage tout de suite, désigner qui est le bon et qui est le méchant, parce qu’après plus rien ne bouge. Le prof et l’étudiante dans mon film sont opposés et donc complémentaires, et symboliques de la France d’aujourd’hui, où les efforts sont à partager. On dénonce volontiers ceux qui, dans le système éducatif, ne croient plus à la transmission, mais pour que cette dernière continue, il ne faut pas qu’il y ait en face quelqu’un qui la refuse… »

Attal ne nous en dira guère plus, visiblement peu tenté par la polémique et un peu las sans doute, comme l’atteste son soudain aveu: « Je ne sais pas pourquoi j’ai voulu faire ce métier, ce qui m’y a poussé. Mais je vois toutes les raisons qui pourraient me pousser à arrêter. Il y a des difficultés, de la lassitude, l’absence de besoin… Et je continue, pourtant. Il suffit que je m’installe dans une salle de cinéma et que la lumière s’éteigne pour que je jubile, pour que je me sente bien. Je pourrais rester spectateur, évidemment, mais je repars quand même, sans savoir pourquoi. Et sur le plateau, je retrouve du plaisir, de la passion. Alors j’insiste. Mû par quelque chose qui reste mystérieux. »

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