Le grand remplacement

Les frères Way signent une série documentaire hallucinée qui secoue les croyances les plus tenaces.

En 1981, les 40 habitants d’Antelope, en Oregon, ont vu débarquer une communauté de chevelus dévoués aux enseignements spirituels de leur gourou indien, Bhagwan Shree Rajneesh (célébré aujourd’hui sous le nom d’Osho). L’Amérique du Bon Dieu, du bourbon et du steak face à une utopie écolo-tantrique attirant des milliers d’adeptes des quatre coins du globe, fondant Rajneeshpuram, ville champignon avec mairie, police, commerces, aéroport privé… Ce clash entre deux mondes a été le point de départ d’un feuilleton médiatique qui a mis à cran, durant cinq ans, plusieurs échelons institutionnels américains. Les frères Way en ont fait une matière documentaire et sérielle accrocheuse et fascinante, tant sur la forme que sur le fond, qui raconte la peur de l’altérité, l’aveuglement de la vérité, les mécanismes de la dévotion enchaînée à la vénalité, l’ego, la manipulation, la machination politique et, ultimement, une société qui ne peut se construire autrement que sur des antagonismes et sur l’unification autour d’un ennemi à abattre.

Wild Wild Country prend pour charpente les témoignages des survivants qui se sont disputé leur version de la Terre Promise: des anciens Rajneeshee dont Sheela, chargée d’incarner jusqu’aux frontières de la légalité la volonté de Bhagwan -mutique gourou aux 91 Rolls Royce, qui se retournera contre elle-, la dernière poignée d’habitants d’Antelope, les procureurs et sénateurs proches du dossier. Tous les points de vue sont développés et les réalisateurs ne semblent jamais prendre position. Au long des six épisodes de ce format original et échevelé, critiques et croyances sont sans cesse challengées par les stupéfiantes vidéos issues des archives provenant de la télé ou de la communauté (scènes du quotidien, de méditation, de fêtes, d’orgies…)  » Doit-on laisser des individus de cette trempe s’installer quelque part et détruire la coutume locale?« , se demande sans honte ni une once de mémoire historique la maire d’Antelope, Margaret Hill. Entre aveuglement dogmatique et peur de disparaître, la question s’est posée, dans un écho strident à l’Histoire sur ces plaines de l’Oregon, et se pose encore aujourd’hui, dans un étrange silence, à la Silicon Valley, où règnent d’autres gourous, plus dans l’air du temps.

Wild Wild Country

Une série documentaire Netflix créée par Chapman et Maclain Way. Six épisodes. Disponible sur Netflix.

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