La Serpe

Depuis trois romans, Philippe Jaenada a amorcé un nouveau cycle dans son travail littéraire: rouvrir les procès en réhabilitation de quelques victimes du système judiciaire ou de l’opprobre public. S’intéressant à des personnages de plus en plus troubles, ce détective amateur, opiniâtre, accumule une masse surhumaine de documents sur chacun, et s’essaie à des reconstitutions, promenant d’archives poussiéreuses en ternes zincs son imposante silhouette. Jusqu’à déconstruire, pied à pied, plaidoiries d’époque (à charge) et stéréotypes tenaces. Après le gentleman-braqueur Sulak dans le livre du même nom, ou la petite Dubuisson, trop libre pour son temps (et néanmoins meurtrière) dans La Petite Femelle, c’est cette fois sur Henri Girard –aka Georges Arnaud, auteur du Salaire de la Peur- qu’a fondu l’écrivain-justicier vêtu de noir, bien décidé à démêler le vrai du faux concernant la culpabilité de ce capricieux gosse de riche dans le meurtre -atroce- de son père, sa tante et la bonne en 1941. Le sale môme sera blanchi dans des circonstances troubles, dilapidera la fortune dont ce drame le fit hériter puis filera devenir semi-clochard en Amérique du Sud, avant de revenir, un manuscrit en poche, qui le rendra célèbre. Un doute éreintant, surtout, subsistera à son sujet jusqu’à sa mort. Or, Jaenada, en découvrant les lettres écrites au père par son fils, développe une intime conviction: lui, coupable? Impossible. Commence alors une enquête minutieuse, tout juste récompensée par le prix Femina, et servie par l’inimitable humour du gaillard, doublée de tendres considérations sur les rapports père-fils -un sujet qui, d’évidence, fascine intimement l’auteur.

de Philippe Jaenada, éditions Julliard, 648 pages.

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