La rage au corps

Thriller sauvage réalisé par William Friedkin dans la touffeur de Los Angeles au mitan des années 80, To Live and Die in L.A. n’a rien perdu en énergie furieuse.

S’il n’a pas la réputation de The French Connection, le film qui valait, au début des années 70, ses galons de réalisateur majeur à William Friedkin, To Live and Die in L.A. n’a cependant pas grand-chose à lui envier en qualité ni en adrénaline. Tourné au mitan des années 80 à Los Angeles, ce polar rageur accompagnait un flic résolument borderline, Richard Chance (William Petersen), lancé, tel un chien fou, sur les traces de Rick Masters (Willem Dafoe), un faussaire responsable de la mort de son partenaire. Et d’entraîner, ivre de vengeance, son nouveau coéquipier, John Vukovich (John Pankow), dans une équipée aussi sauvage que sanglante, au mépris d’une quelconque prudence comme, du reste, de la légalité et de la morale…

Au bord de la rupture

Assurément inscrit dans son époque -musique de Wang Chung et esthétique flash à l’appui-, Police fédérale, Los Angeles, qui bénéficie pour le coup d’une restauration 4K validée par Friedkin lui-même, n’a rien perdu en énergie furieuse et, partant, en impact. Tournant avec un budget serré, le réalisateur signait une mise en scène aussi fulgurante que nerveuse, imprimant à la pellicule un réalisme dont émane, aujourd’hui encore, un intense sentiment d’urgence. Le cinéaste était un adepte de la première prise, en effet, quand il ne filmait pas les répétitions à l’insu de ses acteurs, pour un sentiment de vérité accru. Son auteur ayant par ailleurs de toute évidence banni le terme « limites » de son vocabulaire -le genre à ne pas reculer, par exemple, devant une poursuite à contresens sur une autoroute de L.A., pendant de celle new-yorkaise de French Connection, parmi d’autres morceaux de bravoure-, le film semble constamment au bord de la rupture. Celle, notamment, de la frontière entre le Bien et le Mal, motif récurrent de la filmographie du réalisateur de Killer Joe, qui trouve dans ce voyage au bout de l’enfer angelino investi par des acteurs habités -Dafoe et Petersen sont impériaux- une expression d’une noirceur aussi acide que définitive.

La rage au corps

La production crut d’ailleurs bon d’imposer à Friedkin une issue édulcorée. Mais si ce dernier s’exécuta, tournant une fin alternative figurant parmi les nombreux bonus de cette édition ultra-collector (dont un making of peu avare en anecdotes décoiffantes), ce fut pour mieux la jeter aux oubliettes. On le comprend: en l’état, Police fédérale, Los Angeles reste un maître-thriller sous haute tension, électrique comme érotique d’ailleurs, un film saisissant dont Nicolas Boukhrief, cité dans le livre-exégèse complétant ce coffret, put écrire lors de sa sortie en 1986 qu’il se situait « à mi-chemin entre le déchaînement du clip et la sauvagerie froide et rituelle d’un film de samouraïs ». Incontournable.

Police fédérale, Los Angeles

De William Friedkin. Avec William Petersen, Willem Dafoe, John Pankow. 1985. 1h56. Ed: Carlotta. Dist: Twin Pics.

8

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