La quête du Graal

John Boorman, le réalisateur de Délivrance, Excalibur et Général se raconte dans des mémoires riches en anecdotes et réflexions diverses. Inspirant.

Cinéaste majeur, auteur de classiques comme Point Blank ou Delivrance, John Boorman a connu une carrière en dents de scie, tutoyant les sommets comme les abysses ( The Heretic…) avec toujours, toutefois, grandeur et panache. Nourri du feu de la passion et de l’audace, ce parcours est au coeur de Aventures, ses mémoires écrits dans sa retraite au coeur de la nature irlandaise, et publiés aujourd’hui chez Marest. Soit le prolongement écrit de ses deux films d’inspiration autobiographique, Hope and Glory et Queen and Country. Il n’en est pas le ressort exclusif cependant, et ce livre est aussi le récit d’une vie -hantée par la mort de sa fille, Telsche-, les réflexions d’ordre divers d’un homme imprégné de pensée jungienne venant en rehausser les nombreuses anecdotes.

Respectant la chronologie, l’ouvrage compose, dans un premier temps, le portrait sensible de l’Angleterre sous le Blitz et dans l’immédiat après-guerre, la période ayant façonné Boorman, né en 1933  » dans une banlieue de Londres, sans visage et sans âme parmi des gens qui s’étaient égarés dans le monde, qui avaient oublié qui ils étaient et étaient déchus de la grâce » . Cette grâce perdue dont il écrit encore qu’il la rechercherait dans l’élaboration de films, en écho au Graal de la légende arthurienne (appelée à occuper une place centrale dans son oeuvre). Son aventure cinématographique, l’auteur l’aborde avec un mélange d’esprit et de lucidité, tandis que les histoires se bousculent, révélatrices. Ainsi, pour Point Blank, de sa première rencontre laborieuse avec Lee Marvin dans un restaurant de Soho – » Autour de lui, tout semblait diminué -les tables et les chaises étaient trop petites, les serveurs des nains. J’avais l’impression d’être une créature miniature, venue d’une autre planète, minuscule« – au coup de téléphone inopiné de David Lean à un ponte de la MGM, sauvant accidentellement la mise à un Boorman s’apprêtant à se faire débarquer (sourcilleux sur le sens de l’honneur, Toshiro Mifune lui épargnera un sort semblable sur Duel dans le Pacifique).

La quête du Graal

Des anecdotes parmi d’autres, le livre étant pavé des démêlés du cinéaste avec le système hollywoodien, sans que son élan et sa détermination s’en soient trouvés entamés. Invité à exprimer son avis lors d’une projection test de Where the Heart Is, flop retentissant sorti sous bannière Disney en 1990, un spectateur avait écrit sur sa fiche:  » Les films de John Boorman sont imprévisibles, subversifs et délirants. Dites-lui de continuer quoi qu’il arrive. » L’auteur d’ Excalibur s’exécuta fort heureusement, réalisant notamment par la suite The Tailor of Panama, d’après John Le Carré, un film qui  » désignait la manière dont notre monde fragile pouvait être plongé dans le chaos par les folies d’individus qui ne songent qu’à leur intérêt. » Visionnaire avec ça.

Aventures

De John Boorman, Marest Editeur, traduit de l’anglais par Alain Masson, 488 pages.

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