Comme nos parents, une affaire de famille

Maria Ribeiro incarne une femme face à ses choix de vie et à sa place dans la société brésilienne dans Comme nos parents. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Avec Comme nos parents, la réalisatrice brésilienne Laís Bodanzky porte un regard féminin et féministe sur les dynamiques familiales. Fort.

Signe tangible de renouveau: on comptait, au programme de la dernière Berlinale, pas moins de douze longs métrages brésiliens. Parmi ceux-là, Como nossos pais (Comme nos parents en vf), un drame familial de Laís Bodanzky, réalisatrice dont le parcours, entamé à l’aube des années 2000, s’est équitablement réparti entre documentaires et fictions. Ainsi de ce nouvel opus, l’histoire de Rosa, 38 ans d’une vie passée à s’époumoner à remplir ses fonctions de femme plurielle -mère, fille, épouse, amante, auteure, et autres-, dont le cadre va imploser au terme d’un repas de famille houleux ponctué par une révélation percussive. « Voilà quelques années que j’ai envie d’aborder le sujet de la femme dans le monde contemporain,commence Laís Bodanzky. J’ai entamé mes recherches pour ce film par le biais d’un documentaire que j’avais été invitée à tourner pour la chaîne câblée brésilienne ISPN dans le cadre des Jeux Olympiques, Olympic Women. J’avais carte blanche, et j’ai décidé d’évoquer la participation des femmes brésiliennes aux Olympiades. J’ai alors découvert à ma grande surprise qu’elles n’avaient réussi à avoir leur place aux Jeux que récemment. Le monde du sport a beaucoup de préjugés, un constat qui ne vaut pas qu’au Brésil d’ailleurs. J’ai rencontré de nombreuses sportives qui n’avaient pas conscience de l’oppression dont elles étaient victimes, si bien que le monde du sport m’est apparu comme une petite bulle représentant notre société dans son ensemble, avec cette oppression invisible à l’encontre des femmes… »

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Secouer le modèle patriarcal

Ainsi donc de Rosa, tentant de se conformer aux rôles lui ayant été assignés, et à qui Maria Ribeiro apporte force et caractère -pas le genre à subir les circonstances, en tout état de cause. Portrait d’une femme d’aujourd’hui, Comme nos parents tisse aussi un lien intergénérationnel à travers la relation unissant Rosa à sa mère, Clarice, tempérament à l’unisson, et n’étant d’ailleurs pas sans évoquer une autre femme brésilienne de cinéma, la Clara d’Aquarius, de Kleber Mendonça Filho. « Une coïncidence, sourit la réalisatrice, avant de poursuivre: peut-être le fait de parler des femmes de cette génération, fortes et courageuses, correspond-il à un besoin de société. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elles ont atteint un bonheur parfait, c’est impossible, mais elles ont eu le courage de remettre les choses en question pour tenter d’y arriver. C’est l’héritage que nous laisse cette génération: si nous ne sommes pas satisfaites, nous devons essayer de changer la situation, sans avoir peur. »

Histoire, par exemple, de secouer le sacro-saint modèle patriarcal régissant les relations familiales -vaste entreprise que Clarice, non contente d’avoir défriché le terrain, assortit d’une recommandation de son cru, voulant que briser les tabous soit l’une des clés de l’épanouissement personnel. « J’apprends avec mes personnages, et j’adore cette déclaration, souligne Laís Bodanzky. Elle m’inspire. Nous pouvons transgresser sans méchanceté ni sans faire souffrir d’autres personnes, c’est même une nécessité. On n’a qu’une seule vie, on se doit donc d’avoir de nouvelles expériences, d’autres façons de vivre. Il ne faut pas se contenter d’accepter, parce que quelqu’un, un jour, a décrété que l’on devait vivre d’une certaine manière et pas autrement. »

Comme nos parents, une affaire de famille

S’inscrivant dans la lignée de la Nora d’Une maison de poupée, d’Ibsen, inspiration revendiquée du film (qui cite encore Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir dans son substrat féministe), Rosa se fait bientôt l’ambassadrice d’un changement global amorcé au plan individuel: « Pour pouvoir mener une grande révolution, il faut dans un premier temps modifier de petites choses à son niveau. Rosa est quelqu’un de révolutionnaire parce qu’elle commence à agir chez elle, au sein de sa famille. Elle recherche la vérité de ses émotions, de ses sentiments, et a le courage d’expérimenter de nouvelles choses. Elle prend des décisions conformes à ses souhaits et à son imagination, et ne laisse pas la vie les lui dicter. En premier lieu, il lui faut déterminer quels sont vraiment ses souhaits, une chose à laquelle tout le monde devrait d’ailleurs s’atteler. On ne se pose pas assez souvent la question, alors qu’il le faudrait pourtant. Mais formuler cette question, écouter la réponse et enfin s’accorder à son désir requiert du courage… »

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