L’école du sorcier

Avec Freedom’s Goblin, Ty s’affiche dans toute son opulence et sa diversité. Segall fait sa fourmi…

C’est un voyage dans l’Histoire du rock. Un album éparpillé, mais à la consistance sans faille. Et pout tous ceux qui dormaient ces dix dernières années, une introduction panoramique aux talents du stakhanoviste Ty Segall. Freedom’s Goblin est un disque-somme et l’addition est salée. Dix-neuf titres brûlants qui se promènent du glam au punk, de l’Americana au rock psychédélique, du funk au heavy metal… L’an dernier, le petit prince du rock californien s’était contenté d’un EP caritatif et d’un album, le sobrement dénommé Ty Segall, affichant toute sa diversité. Enregistré dans pas moins de cinq studios entre Los Angeles, Chicago et Memphis, Freedom’s Goblin poursuit le travail de sape et met les bouchées doubles.

L'école du sorcier

Le petit frère à la fois appliqué et turbulent de John Dwyer (Thee Oh Sees) a toujours détesté l’immobilisme, multipliant les disques et les projets, se réinventant même sans cesse sur scène. Sur ce dixième (plus ou moins) album, Ty Segall signe des morceaux très pop, cool et west coast ( My Lady’s On Fire, Cry Cry Cry), des petites chansons douces qui explosent dans un déluge de guitares ( Alta) et de puissants rocks seventies dont il a le secret. Il s’aventure aussi en de plus étonnants territoires. Il y a l’entraînante tentative disco funk Despoiler of Cadaver. Des morceaux de saloon au piano comme en enregistre Jack White ( The Last Waltz)… Talkin 3 et son saxophone furieux sonnent même comme un reliquat de no wave new-yorkaise à la James Chance. Le plus surprenant étant encore Meaning: explosion riot grrrl chantée par sa femme, Denée, et l’un des quelques singles balancés sur Bandcamp pour appâter le chaland depuis la rentrée 2017. « Days of vomit, days of extasy and escape too, and days between » , annonçait la bio sur Freedom’s Goblin. La liberté est ici totale. Segall durcit un tube disco anglais des Hot Chocolate ( Every 1’s a Winner) et juste derrière fait chauffer la boule à facettes pour mieux nous montrer toutes les siennes. Jamais cependant, le jeune trentenaire blondinet ne tombe dans la pose ou la masturbation. Il y a de l’hommage. Du Marc Bolan, du David Bowie, du Neil Young. Des chansons taillées pour la BO d’ Almost Famous… Il y a surtout des morceaux impeccablement écrits et arrangés. Steve Albini (Nirvana, Pixies) est passé l’aider à enregistrer. Ben Boye gère les claviers. Son fidèle compagnon de route Mikal Cronin joue la plupart des parties de saxophone et a arrangé les cuivres… And, Goodnight, 12 minutes de jam sur lesquelles Segall entonne brièvement les paroles de Sleeper (2013), boucle l’heure et quart d’aventures. Freedom’s Goblin est le disque d’un rockeur, d’un musicien, d’un mélomane qui s’est fait plaisir. Difficile de ne pas partager son enthousiasme…

Ty Segall & Freedom Band

« Freedom’s Goblin »

Distribué par Drag City/V2.

8

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