Cabbage, Layfullstop… Virée underground à Manchester

Asa Morley, Lee Broadbent, Eoghan Clifford, Stephen Evans et Joe Martin. Cabbage dans un van comme dans son salon... © Paul Husband
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Programmé le 28 octobre au Botanique, Cabbage emmène la scène rock de Manchester aujourd’hui cristallisée autour du White Hotel à Salford. Balade en van, concert organisé par le Labour Party et considérations sur l’underground mancunien.

14h. Gare de Mossley. Grand Manchester. Le ciel est si gris qu’on se croirait à la maison. Gary, le tour manager de Cabbage, une gueule à jouer dans Trainspotting, a filé rendez-vous dans le patelin de ses poulains et a accepté de laisser monter un inconnu dans son van. Logique somme toute pour des mecs qui ont enregistré une chanson, A Network Betrayal, moquant les transports en commun anglais. Ce soir-là, les cinq Mancuniens jouent à Rawtenstall, un petit bled paumé près de Blackburn, à l’occasion d’un concert organisé par le Labour Party dont Jeremy Corbyn, le nouveau patron, militant anti-austérité, incarne -ils l’espèrent- le renouveau. Cabbage a du Clash, du Libertines, un peu de Fat White Family et bien d’autres choses encore qui lui coulent dans les veines.

Cabbage, Layfullstop... Virée underground à Manchester

Matérialistes? Pour l’instant, les cinq garçons dans le vent, celui de la révolte, ont juste une brûlante compilation d’EP’s (Young, Dumb and Full of…) disponible sur Spotify et tirée à 1.000 exemplaires pour le Record Store Day (repressage en cours) et un cinq titres (The Extended Play of Cruelty) paru cet été. Leur premier album, les Anglais viennent seulement d’aller l’enregistrer à Liverpool avec James Skelly de The Coral et se font d’ailleurs écouter des trucs au casque pendant le trajet. Premières bières. Ça lit le Q, parle séries, The Fall, vieilles histoires graveleuses, Daniel Johnston et football. Moitié United, moitié City. « Quoi, t’as pas vu le but de De Bruyne contre Chelsea? »

Manchester, ville de musique. Manchester, ville de foot. Enfant, Lee (Broadbent, voix) se rêvait footballeur. Il jouait dans le même club qu’Eoghan (Clifford, guitare). « On était tous les deux gardiens de but. Eoghan jouait dans l’équipe A et moi dans la B. Mais la B était meilleure. C’était le genre d’endroits où tous les clubs pros vont recruter pour des essais. J’avais des cartes en main pour réussir une belle carrière. Lors de mon premier match semi-professionnel, j’avais onze ans, tous mes potes étaient derrière moi. Ils me provoquaient. Je me suis retourné pour leur gueuler Fuck off et leur faire un doigt d’honneur et le ballon s’est retrouvé dans les filets. On m’a sorti à la mi-temps. Je n’ai plus jamais joué. »

Cabbage, à Rawtenstall, invité par le Labour Party...
Cabbage, à Rawtenstall, invité par le Labour Party…© Kallum Nolan/RKid Media

Une bouteille d’alcool vide inquiète les Cabbage (« elle s’est renversée dans l’arrière du van? ») avant qu’ils réalisent l’avoir bue. Un magazine de cul tombe quasiment du plafond… Ils ont beau chanter Tell Me Lies About Manchester, un morceau qui ne manque pas d’humour, les cinq mecs de 25-26 ans incarnent à leur manière le renouveau musical de la ville. « J’y suis quasiment né, retrace Lee, le déconneur et apparemment le plus assoiffé de la bande. J’ai vu le jour à Ashton-under-Lyne. À l’est, sur les bords de la Tamise dans le Grand Manchester. Mossley, où on habite, est très rural. C’est l’endroit le plus vert et fermier de l’agglomération. De l’autre côté, tu as Hyde, Denton, Droylsden, qui ont déjà une vibe plus urbaine et où nous avons passé pas mal de notre temps. Gamin, se rendre à Manchester, c’était découvrir le reste du monde parce que c’est le seul endroit où on allait, mais je n’étais pas vraiment conscient de l’Histoire musicale de la ville. Mes parents écoutaient du punk et du metal. Ils étaient fans d’Ozzy Osbourne. C’était le héros de la maison. » Le père de Lee travaille dans le gros oeuvre. Avec son oncle, il a un business de fosses septiques pour les parcs industriels. Sa mère est chef de cantine. « Deux des boulots les plus anglais que puissent exercer tes parents. »

En attendant le concert du soir à l’Artisan, une salle plus haute que longue de 150 âmes qui sera remplie de militants et de drapeaux rouges plus que de fans, Lee se colle du gros adhésif noir sur les sourcils et la bouche avant de le couper (lui-même, c’est moins dangereux), histoire de quand même pouvoir parler et enfourner quelques gorgées de vodka. « Nous n’avons réalisé ce qu’était Manchester qu’à l’adolescence. Ce qu’on préfère dans son Histoire musicale, c’est que ses plus grands groupes se sont imposés sans se ressembler. Dans les années 70, tu avais Joy Division qui allait devenir New Order. Après, tu as eu les années 80 et ceux qui restent sans doute mes préférés: Happy Mondays. Même s’ils se sont mis à sniffer un peu trop de cocaïne… Avec Oasis, on a ensuite dominé le monde. Ils ont fait connaître la ville à la planète entière. Beaucoup de gens ici ont été touchés. Ça montrait qu’on pouvait y arriver. Mais tout le monde a essayé d’exploiter le filon autant qu’il le pouvait. Les grosses guitares, les mecs qui se pavanent et fanfaronnent… Heureusement, il y a aussi des groupes en ville qui veulent rejeter tout ça et on fait partie de cette vague. On respecte ce qu’a fait Oasis, mais on ne veut pas que Manchester ne reste rien d’autre dans l’Histoire que ces putains de Noel et Liam Gallagher. »

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Poésie et spoken word

Fils d’une enseignante (« une prof de profs ») et d’un ancien cuistot reconverti dans le bâtiment (« grâce à lui, j’ai eu ce boulot dans les cuisines d’une école publique qui a inspiré la chanson Dinner Lady »), Joe Martin, guitariste, chanteur et principal parolier du groupe, est né et a grandi dans le Lancashire avant de se retrouver dans le Nord Yorkshire, mais ça ne l’empêche pas d’avoir son avis sur la question. « Des groupes comme Oasis sont devenus tellement gigantesques que tu devais être fier de ta ville. Tellement fier que tous les musiciens se sont mis à les imiter. Ça a tout gangrené. Pendant un bout de temps, ça n’a plus été de l’avant. Le poids du passé. L’ombre de ses fantômes. Manchester vit d’ailleurs encore sur ses vieilles années. Alors qu’elle devrait peut-être les oublier pour trouver sa nouvelle voie. Faire quelque chose qui a du sens. Ici, maintenant. La plupart des groupes qui viennent de Manchester des années 60 au milieu des années 90 avaient quelque chose de spécial. Joy Division venait d’une autre planète. Les Smiths étaient reliés à l’ère des poètes Beat… Ils sonnaient chaque fois comme personne d’autre avant eux. Ils étaient tous uniques en leur genre. Maintenant, l’héritage est parfois lourd à porter. Très vite, les groupes d’ici se font cataloguer. Ils se retrouvent comparés aux Stone Roses, à Oasis… Nous, on n’a pas souffert de tout ça. Sans doute parce qu’on est davantage en colère musicalement parlant. »

Pas besoin de potion magique. Biberonné aux Clash, Damned et Ramones, Stiff Little Fingers, XTC et X-Ray Spex, Joe est tombé dans la marmite punk à trois ans. Avant de devenir chanteur et guitariste de Cabbage, il se produisait en mode spoken word dans le grand Manchester. Le poète punk originaire de Salford John Cooper Clarke, qui se faisait accompagner musicalement par le producteur de la Factory Martin Hannett et Pete Shelley des Buzzcocks, a été l’un de ses héros et s’est d’ailleurs retrouvé punaisé sur les murs de sa chambre. « Il y a vraiment beaucoup de bon spoken word dans le coin. Je pense notamment à Mike Garry. Il s’attaque à des sujets comme les foyers brisés, l’éducation. C’est une espèce de miroir de la société. Il est brillant. Il a enregistré il y a deux ans la chanson St Anthony: An Ode to Anthony H Wilson. Un poème sur Tony Wilson mis en musique. »

Du White Hotel au Soup Kitchen

Le White Hotel, épicentre de le scène rock mancunienne.
Le White Hotel, épicentre de le scène rock mancunienne.© DR

Baptisée la Dirty Old Town parce que méchamment frappée par le chômage et la pauvreté, Salford compte 248.00 habitants au nord-ouest de Manchester. « Salford is the most exciting place to party in the UK right now »,clamait au début de l’été un article en ligne de Vice. Elle le doit notamment au White Hotel, auparavant connu sous le nom de The Bunker. Un ancien garage caché dans un quartier industriel juste en dehors du centre. « Le White Hotel est la colle qui réunit les groupes de la ville pour le moment, raconte Lee. Je ne connais pas le proprio mais je connais les deux managers dont Austen, le mec qui a écrit Renegade, la biographie de Mark E. Smith. Ils catalysent une culture qui semble propre à Manchester pour le moment. Toute personne qui veut comprendre et expérimenter comment Manchester devrait être représenté aujourd’hui doit aller faire un tour au White Hotel. Passez une soirée là-bas. Ça changera en quelques heures votre vision de la ville. Neuf fois sur dix, quatre ou cinq super groupes du coin s’y produisent. C’est l’esprit de ce que faisait l’Haçienda dans les années 80. Puis il y a cette interaction entre les gens. Je pense que la salle principale peut contenir 300 personnes. Pour moi, Manchester, ça a longtemps été le Gullivers sur Oldham Street. Tu as aussi le Castle Hotel. Ils sont tenus par les mêmes gens. Il y a huit ans, le Gullivers était le QG de beaucoup de mecs dans notre état d’esprit. » « Ah le Gullivers et son mythique sofa dans lequel tu faisais tout ce que tu voulais, rebondit Joe. Manchester est une chouette ville pour la musique. Il y a pas mal d’espaces, de clubs où jouer. Mais bon, ils vont et viennent. C’est tellement compliqué et cher de faire en sorte qu’une salle de concerts tourne. »

Dans ce même Northern Quarter, on a testé le Soup Kitchen. Un resto plutôt du genre bio avec des bonnes bières et des bons produits à l’étage et une salle de concert très roots, façon squat au sous-sol. Au fil des conversations que le Mancunien a facile, on liste les Blinders. Un trio de Doncaster qui a déménagé avec une petite touche de The Coral. Les Denim & Leather plutôt en mode punk hardcore. Méchamment énervés et envie de le gueuler. Puis Fruit Tones et son garage punk bordélique très Burger Records. Ou encore le groupe avec le nom le plus improbable de la ville Peace and Love Barbershop Muhammad Ali.

« La ville est géniale pour l’instant, estime Lee. Les gens communiquent beaucoup entre eux, que tu sois dans un pub ou juste en train de te promener en rue. Tu as souvent cette convivialité dans le nord. Je ne sais pas d’où ça vient. Peut-être du massacre de Peterloo. » Quand en 1819, la cavalerie chargea une manifestation pacifique de 60.000 à 80.000 personnes rassemblées pour demander une réforme de la représentation parlementaire. Bilan: quinze morts et des centaines de blessés.

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Faire face à la vie

Il y a chez Cabbage, dans son rapport très instantané à la musique, comme un écho à la spontanéité locale. Cabbage existe depuis deux ans et doit en être à un morceau par mois. Joe: « Beaucoup vivent dans le yet: yet to release, yet to come out… Nous, on n’a rien à cacher. Puis c’est quand on l’écrit que le sujet nous intéresse. La chanson doit sortir à ce moment-là. Pas un an plus tard. » « C’est un avantage qu’on se donne, embraie Lee. Parfois dans le rock, tu te crois à un défilé de mode. Nous, on vit, on respire la musique. C’est pour ça qu’on en sort autant. » Cabbage a enregistré sa compilation Young, Dumb and Full of… avec Simon Ding Archer, qui a produit The Fall et était d’ailleurs son tour manager à l’époque. « On l’a mis en boîte comme un album mais nous étions encore un jeune groupe et on s’est dit que c’était une bonne idée de le diviser en EP’s. Que ce serait plus facile à digérer pour cette génération de l’immédiateté et des réseaux sociaux. »

Une tornade à la Thee Oh Sees, un hymne à la Clash, une chanson plus Madchester, la rencontre de The Fall et de la country… Le tout avec de l’humour noir et des textes disons engagés et impertinents. « On ne vient pas de familles particulièrement politisées, remarque Lee. Mais beaucoup de gens sont comme ça à Mossley. Ils ne s’investissent pas dans la politique mais ils font face à la vie. J’étais vraiment dans les médias alternatifs à l’adolescence. Les théories de la conspiration, tout ça… C’était peut-être dû à la quantité d’herbe qu’on fumait à l’époque. Personne n’avait de boulot. C’est comme ça que ma conscience est née. Les politiciens te parlent des valeurs anglaises. Mais à la fin de la journée, toutes les valeurs britanniques sont basées sur le pillage et le viol. Le système éducatif, celui de santé, tout ici a été réduit en pièces. Comme l’Europe, on est en train de devenir le tiers-monde. »

« Trop de choses ont été privatisées, termine Joe dont le paternel hait Margaret Thatcher et adore Gil Scott-Heron. Plus rien ne fonctionne normalement et les boîtes mettent de plus en plus de pression sur les travailleurs. » Cabbage le sait. L’heure de la révolte a sonné. Et il n’y a pas qu’à Manchester qu’il entend la mener.

Cabbage, Young, Dumb and Full of…

Le 28/10 au Witloof Bar (Botanique).

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Manchester at its best…

W.H. Lung

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Ils ont joué à la dernière Liverpool Psych Fest et dans les meilleurs festivals anglais de l’été (End of The Road, Green Man). Formé en 2016, W.H. Lung (le nom d’un supermarché chinois local) n’a pourtant donné son premier concert qu’en mai. Les Mancuniens font dans les chansons à rallonge, répétitives et dansantes. Une espèce de krautrock avec des vapeurs post-punk et new wave. Puis un chanteur qui connaît les Talking Heads de David Byrne… Le trio a sorti un 45 tours Inspiration/Nothing is produit par Matt Peel (Eagulls, Pulled Apart By Horses) et s’est récemment filmé en train de jouer dans une piscine (vide, vous l’aurez deviné). On pense aussi à Hookworms et Traams. Motorique et hypnotique.

Duds

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C’est la première signature européenne du label californien Castle Face (King Gizzard, White Fence…) fondé par le leader de Thee Oh Sees John Dwyer. Duds, ici en photo avec le mythique DJ mancunien de la BBC Marc Riley, fait dans un post-punk/no wave nerveux et bancal à la Fire Engines, Devo, Pylon… Ces déglingués ont écouté James Chance et ses Contorsions mais si Factory Records existait encore, ils seraient sans doute dans son catalogue. Probablement potes avec A Certain Ratio et ESG. Les mecs qui ont déjà ouvert pour Gang of Four et The Raincoats viennent de sortir leur premier album Of A Nature or Degree. Dissonant, secoué et sacrément efficace. Bientôt près de chez vous!

Le 10/11 au Watermoulin (Tournai).

The Starlight Magic Hour

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« Influences.Paula Abdul, Selly Gomez, Jeremy Corbyn et l’épouse de Woody Allen jadis sa fille adoptive. » es Starlight Magic Hour ont le sens de l’humour.« Un Can de la pop qui rencontre Kinks sous kétamine » c’est encore leur Facebook qui le dit). Le groupe de Salford a prévu de sortir cinq albums et les envisage comme des événements multimédia englobant deux romans en deux parties, une production de théâtre musical et un film qui racontera leur histoire. Le concept? Un récit malveillant d’abus sexuel, de psychopathie, de meurtre et de torture. Pas grand-chose pour l’instant à se mettre sous la dent mais une réputation chaotique (19 membres sont déjà passés par là) qui aurait fait d’eux les parias de Manchester, un peu trop dingues pour les promoteurs du nord de l’Angleterre…

Slow Knife

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« Spoken word. Post-punk. Twisted pop. Manchester. »Ainsi s’est taggé Slow Knife sur son compte Bandcamp. On n’en saura pas beaucoup plus sinon qu’il semble loin de rouler sur l’or. À votre bon coeur messieurs/dames,« all money goes to keeping The Knife alive ».Slow Knife a mis en ligne deux morceaux possédés et carrément incroyables il y a un an sur la Toile.The Nile, un no wave rap blindé de saxophone et de cris avec des faux airs de Sleaford Mods. PuisHilarious Mondane. Onze minutes de transe lancinante bercée par un chant parlé et déchirée de hurlements. Le groupe a sorti son premier single,Palace, en vinyle cet été.« Instruments maisons, vibe kraut, poésie agressive,commente Lee.Un des trucs les plus magiques que je me suis récemment pris dans la tronche. »

Lady Lay

Rappeuse de 22 ans à la chaude voix soul jazz, Layfullstop incarne la nouvelle vague hip-hop mancunienne. Indépendante, bouillonnante et ouverte d’esprit.

« Je déteste les stéréotypes. Je n’ai pas à être ceci ou cela. Je n’ai qu’à être moi. Et je ne sors rien qui ne le soit vraiment… C’est pour ça que je prends mon temps. » © Sarah Etasse

« Tout est gratuit à l’intérieur excepté le temps que vous y passez. » Retrouvée à un coin de rue, Mariah Nathan, alias LayFullStop, nous emmène au Ziferblat. Un espace partagé sur Edge Street, dans le Northern Quarter de Manchester. Au Ziferblat, il faut sonner pour entrer et on paie en sortant. Huit cents par minute et par personne. Le reste, c’est à l’oeil. Jeux, livres, journaux et magazines. Jus, thés, biscuits et gâteaux. L’endroit est à la fois grand et intime. British dans la déco et cosy dans l’atmosphère. Avec divans moelleux et moquette par terre.

Originaire de Jamaïque et des Indes occidentales, Lay, grandes lunettes, veste en jeans, boucle dans le nez et grain de beauté sur la joue (d’où le FullStop), est née et a grandi avec sa mère à Birmingham avant d’emménager à Manchester et d’y étudier la psycho et la crimino. Diplômée cette année (son travail de fin d’études se demandait comment le hip-hop était perçu dans la communauté noire), la jeune rappeuse à la bluffante voix soul/jazz donnait dans la matinée une conférence à des réfugiés pour leur expliquer comment on peut raconter et véhiculer son histoire non verbalement à travers la musique.

Lay, 22 ans, est plus proche de la scène hip-hop de la ville que de ses jazzmen pour le moment bien cotés comme les Gogo Penguin ou le trompettiste et compositeur Matthew Halsall, tous deux sur le label mancunien Gondwana Records. « J’ai toujours davantage écouté des chanteuses et des rappeurs que des rappeuses et des chanteurs. J’ai grandi avec le r’n’b. J’admirais Beyoncé, Lauryn Hill. C’est vers l’âge de seize ans que je me suis davantage intéressée à la soul. À quelqu’un comme Erykah Badu. Elle est fondamentale pour expliquer ce que je fais. Même au-delà de la géniale musicienne, cette femme noire, son approche spirituelle… »

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Lay parle A Tribe Called Quest et grime, aime Syd Tha Kyd (The Internet) et Amy Winehouse. Quand elle dit hip-hop de Manchester, elle pense à la team Levelz, à Mouse Outfit, aux Children of Zeus et met l’accent sur quelques collectifs dans lesquels elle est impliquée. « Il y a Cul de Sac, un groupe d’amis aux personnalités très différentes qui font de la musique ensemble. Un projet plutôt fun dans lequel viennent se greffer les identités et les goûts de chacun. Il y a aussi Roots Raddix qui mêle hip-hop, soul, jazz, trap et grime. Une vibe très familiale… »

Le rap à Manchester se décline moins en termes de clubs et de QG que de soirées. « Il y a tellement de cafés, de subcultures, des galeries d’arts… Pas mal de lieux s’ouvrent au spoken word, au rap, aux poètes. Ces collectifs ne sont pas liés à des endroits particuliers de la ville. Dans Roots Raddix, personne ne vient à l’origine de Manchester mais c’est là que s’est cristallisé notre amour pour la musique. Tandis que dans Cul De Sac, je suis quasi la seule qui n’est pas du coin. Ça baigne davantage dans l’esprit d’ici. »

« Pourquoi la scène hip-hop n’a-t-elle jamais été aussi forte qu’aujourd’hui? », se demandait début 2016 le Manchester Evening News citant encore un Shotty Horroh ou encore Burgundy Blood. « La vibe est communautaire. C’est cool mais vibrant. On ne s’y prend pas trop au sérieux et on est de manière générale plutôt optimistes. Tout le monde est généralement relax. Les gens sont plus compréhensifs… Il y a plus d’opportunités aussi. »

Pour l’instant, Lay a un manager mais pas de label. Elle enregistre chez elle et n’a encore rien sorti en dur. Pas même un CDR. Elle se contente d’éditer en ligne. « Quand tu commences, tu es déjà content de pouvoir t’exprimer. Je suis sur Soundcloud et YouTube. Et j’ai depuis peu un morceau sur Spotify. C’est la manière la plus facile et la moins chère de faire les choses. »

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