Julianne Moore, la muse de Todd Haynes

Moore et Haynes, complices de tournages depuis plus de 20 ans. © Myles Aronowitz

Si Wonderstruck gravite autour de deux enfants (les excellents Millicent Simmonds et Oakes Fegley), le film consacre aussi la quatrième collaboration entre Todd Haynes et Julianne Moore. Dans un double rôle encore bien, puisque l’actrice symbolise la réverbération s’opérant entre deux histoires se déroulant à 50 ans de distance. « Dans ce film, Julianne représente une sorte de « passeuse » entre les deux histoires, mais aussi entre ce film et mon passé de cinéaste, ce passé dont elle est aussi une sorte de témoin », observe le réalisateur. Leurs deux parcours sont étroitement imbriqués, en effet, Julianne Moore trouvant dans Safe, réalisé par Haynes en 1995, l’un des rôles qui baliseront son début de carrière. Elle y campe Carol White, femme au foyer aisée d’une banlieue californienne typique de l’Amérique des 80’s déclinantes, partageant le plus clair de son temps entre aérobic, déjeuners entre amies et décoration de sa maison. Jusqu’au jour où elle développe une mystérieuse allergie à son environnement, glissant insensiblement dans la dépression.

Jongler avec les styles et les époques

L’aliénation est également au coeur de Far from Heaven (2002), hommage du cinéaste aux mélodrames flamboyants tournés par Douglas Sirk dans les années 50. Soit, dans l’Amérique provinciale de l’époque, l’histoire de Cathy Whitaker, mère de famille modèle au sourire aussi radieux qu’inaltérable en apparence. Une femme dont le monde va toutefois s’effondrer lorsque, ayant découvert l’homosexualité de son mari, elle trouve quelque réconfort auprès de son jardinier noir, pour se voir aussitôt rattrapée par l’hypocrisie d’une société plombée par le conformisme et les préjugés. Et de s’efforcer de faire bonne figure, dans un film étincelant, serti dans le passé par son esthétique mais traversant le temps par ses enjeux, non sans libérer au passage des torrents d’émotions.

On retrouve Julianne Moore cinq ans plus tard au générique du kaléidoscopique I’m not There. Non pas dans l’une des multiples incarnations de Bob Dylan (au rang desquelles celle de Cate Blanchett) mises en scène par Todd Haynes, mais bien sous les traits d’Alice Fabian, chanteuse librement inspirée de Joan Baez, apparaissant face à Christian Bale dans le faux documentaire consacré à la période folk du chanteur. Wonderstruck réunit donc la comédienne et le cinéaste pour la quatrième fois. Elle y brille comme de coutume, jonglant avec les époques comme avec les styles: star du muet à l’expressivité marquée dans Daughter of the Storm, film dans le film version 1927, avant qu’on ne la retrouve, 50 ans plus tard, non moins exceptionnelle. « Faire jouer la même actrice dans les deux parties n’était pas prévu dans le script », précise Todd Haynes. Ce qu’a corrigé une intuition que l’on qualifiera de lumineuse, achevant d’inscrire le film dans un rapport au temps aussi singulier qu’envoûtant…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content