Ibaaku dans les étoiles

© © Jean-baptiste JOIRE

Juin 1978. Venu spécialement de Kinshasa, Mobutu assiste au décollage de la fusée développée par la firme allemande Otrag. Quelques minutes après avoir quitté le sol congolais, l’engin dévie de sa trajectoire et finit par retomber au milieu du plateau de Shaba. Les rêves d’espace du Maréchal s’envolent pour de bon en fumée…

Quarante ans plus tard, les fantasmes de voyages interstellaires n’ont pas complètement disparu. C’est la scène artistique qui s’en est emparée. Que l’on pense à l’esthétique dystopico-futuriste de Kokoko!, aux dissonances psychédéliques d’un groupe comme le Mbongwana Star (From Kinshasa to the Moon), ou au fameux « Congo cosmonaute » bricolo, que l’on peut par exemple voir errer dans le clip Capture, signé Baloji.

En fait, c’est toute l’Afrique qui s’est mise en tête de réactualiser un certain afrofuturisme. La semaine dernière encore, la thématique était au centre d’une série de débats-concert-documentaires, organisée à Bruxelles par PointCulture et intitulée Africa Is/In The Future. Était notamment invité le Sénégalais Ibaaku. L’an dernier, il sortait Alien Cartoon. « Au départ, il s’agissait de la bande-son que j’ai réalisée pour le défilé-performance de Selly Raby Kane (styliste célèbre et tête de proue de la scène alternative de Dakar, dont les vêtements sont portés par des stars comme Beyoncé, NDLR). L’idée était d’imaginer une ville africaine où débarqueraient les aliens« , explique Ibaaku. Le concept d’afrofuturisme n’est pas nouveau pour lui: avec un père féru de jazz américain, Ibaaku n’a pas échappé aux trips cosmiques proposés par des musiciens comme Sun Ra. Quand on le rapproche du mouvement, pourtant, il tique. « Aujourd’hui, c’est devenu une case, une étiquette très pratique, mais qui ne colle pas vraiment au fond des choses. Ma responsabilité est de montrer comment une idée née aux Etats-Unis peut encore représenter quelque chose aujourd’hui, transposée dans un contexte africain. A cet égard, l’afrofuturisme, c’est l’Afrique d’aujourd’hui, comment elle utilise les nouvelles technologies, son Histoire, ses mythes, son imaginaire, pour se réinventer, penser son présent, son avenir…« Y compris en remettant à jour des héritages négligés. « Dans un titre comme Djula Dance, j’intègre par exemple des rythmes issus de la région de la Casamance. Il y a toute une richesse musicale oubliée à exploiter. » Un pied dans le passé, un autre dans le futur: les conditions de l’émancipation selon Ibaaku.

Ibaaku, Alien Cartoon, Akwaaba Music.

L.H.

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