Little Nightmares prouve que les éditeurs grand public flirtent avec le florissant secteur indé. Un conte lugubre, HéLAS en quête d’identité.

Little Nightmares

Édité par Bandai Namco et développé par Tarsier Studios, âge: NC, disponible sur PC, PlayStation 4 (version chroniquée) et Xbox One.

6

La grande distribution s’ouvre à des petits producteurs locaux. À l’ombre de la 21st Century Fox, Fox Searchlight Pictures multiplie les films d’auteur depuis 20 ans. Et des dizaines de microbrasseries entraient récemment dans le giron de groupes brassicoles monstres aux USA. Pas de doute, le rêve du non-industriel, du fait maison, se vend bien. Le tsunami du gaming indie n’échappe pas à cette réappropriation, idéale pour se refaire une image de marque. D’Activision à Electronic Arts, l’industrie du jeu vidéo mainstream investit donc dans la chose indé en créant des labels dédiés. Bandai Namco entre lui aussi dans la danse, ce mois-ci, avec Little Nightmares.

Le platformer graphique plonge dans un hôtel sous-marin d’où Six, fillette muette tiraillée par la faim, essaye de s’évader. Vue de profil en 2,5D, la production macabre des créateurs du charmant Tearaway Unfolded maîtrise ses jeux d’ombres à la perfection. Mieux, le titre qui se joue comme un Mario des familles déploie une profondeur d’arrière-plan élargissant la zone d’action de son héroïne en parka jaune. Ouvrir des tiroirs pour créer un escalier ou trouver un itinéraire bis pour échapper au regard littéralement pétrifiant d’un projecteur: les dioramas glauques, industriels et claustrophobes du jeu offrent une profondeur d’action rarement vue dans ce registre ludique.

Pixel blanc, blanc pixel

Sous-exploité, cet arrière-plan ne tient hélas pas ses promesses sur la longueur. La perspective parfois responsable de chutes et de game over idiots peine à insuffler une personnalité à une production que tout renvoie vers Limbo. Et surtout Inside. Le thème du cauchemar enfantin s’y déploie ainsi dans des environnements immenses, oppressants et presque monochromes. Absence de dialogues, angles de caméras singuliers, parties de cache-cache avec des affreux… Little Nightmares fourmille d’étranges similitudes avec le dernier chef-d’oeuvre de PlayDead.

De bonne volonté, Tarsier Studios jette des clins d’oeil à Another World, modèle absolu de platformer narratif. Des larves noires se décollant du plafond à une cage qu’il faut faire tomber pour s’en extraire, sa game cred n’efface pas l’ennui planant sur son conte lugubre. Les phases d’action demandant d’enchaîner des courses et sauts précis au-dessus d’un pont en train de se rétracter ne décollent pas. Pas plus que les moments de pseudo-infiltration où l’on se planque fissa sous un lit, pour ne pas être attrapé.

Après une heure de jeu, les énigmes n’épicent en outre pas la difficulté. Chercher une clé haut perchée dans une cuisine pour ouvrir une porte plus loin? La routine. Traversé de quelques moments plus ardus à défaut d’être inspirés, Little Nightmares se vit sans frissons au bout des doigts. Son gameplay avance au pays des Bisounours. Plutôt paradoxal pour un jeu qui prétend faire peur.

Michi-Hiro Tamaï

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content