Éternel retour

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

EMMA WATSON FAIT LA BELLE DANS UN REMAKE PLAISANT MAIS DISPENSABLE, OÙ DISNEY S’EST VOULU EXEMPLAIREMENT « INCLUSIF ».

Beauty and the Beast

DE BILL CONDON. AVEC EMMA WATSON, DAN STEVENS, LUKE EVANS. 2 H 14. SORTIE: 22/03.

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De par son sujet, déjà, le conte de La Belle et la Bête offrait, outre une évidente dimension féministe avant la lettre, un potentiel « inclusif » des plus manifestes. Par-delà ses aspects surnaturels, sa malédiction dont la fin offre in extremis à l’héroïne un prince tout beau et tout charmant, le récit rendu célèbre au milieu du XVIIIe siècle par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont exalte l’acceptation de la différence et l’amour du « monstre » honni par la masse. Chez Walt Disney, où l’ombre d’un créateur génial mais fort soupçonné d’antisémitisme a fini de planer, on se flatte non sans raison de chasser les démons racistes d’antan au profit d’une approche exemplaire sur les plans culturels et ethniques. Rien de très étonnant, dès lors, à voir la nouvelle version de La Belle et la Bête se faire plus inclusif encore, et ce sur deux plans. Le premier d’ordre ethnique: le petit village français où vivent Belle et son père accueille de nombreux habitants noirs… au mépris d’une vraisemblance historique devenue accessoire. Le second relevant de l’identité sexuelle avec la présence d’un Le Fou visiblement attiré par son « pote » Gaston, et d’un malfrat brutal révélant sa féminité quand Madame Garderobe lui impose un travestissement qui devient révélateur de sa vraie nature. Une audace bien dans la ligne du réalisateur Bill Condon, auquel on doit le très remarquable Gods and Monsters sur le cinéaste homosexuel de Frankenstein James Whale. Et de quoi déclencher la censure dans certains grands pays musulmans, Malaisie en tête…

Un peu tiède

Si nous mettons en exergue cet aspect des choses somme toute secondaire, c’est parce qu’aussi le spectacle offert par le film ne s’élève pas au niveau de précédentes versions… dont celle en animation proposée par Disney lui-même voici un quart de siècle déjà. On ne saura jamais ce qu’aurait été ce nouveau Beauty and the Beast s’il avait été confié au plus sombre et en même temps flamboyant Guillermo del Toro (Le Labyrinthe de Pan), comme envisagé voici quelques années, avec déjà Emma Watson dans le rôle de Belle. Certainement plus sage, Bill Condon s’attache à magnifier sa jeune actrice mais de manière discrète, Watson jouant sur un mode réaliste et moderne face à une Bête (Dan Stevens sous la CGI de la « motion capture ») jamais effrayante, même au tout début. Des choix un peu tièdes qui déforcent un film par ailleurs riche en très belles images et où les autres personnages victimes de la malédiction les transformant en meubles ou service à thé font plutôt bonne figure. De quoi faire deux heures de divertissement plaisant mais pas vraiment mémorable, autour des chansons décidément épatantes du tandem Alan Menken-Howard Ashman (1).

(1) ASHMAN N’ÉTANT PLUS LÀ (IL EST MORT DU SIDA EN 1991), MENKEN A COLLABORÉ AVEC TIM RICE POUR QUELQUES AJOUTS SINGULIÈREMENT DISPENSABLES.

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LOUIS DANVERS

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