EN TOUTE INDÉPENDANCE

Tabu

S’il fallait dégager un trait caractéristique du cinéma portugais, on opterait sans hésiter pour la singularité, postulat s’appliquant aussi bien à la figure tutélaire de Manoel de Oliveira, disparu à l’âge de 106 ans après avoir laissé une oeuvre gigantesque et protéiforme, qu’à la figure volontiers iconoclaste de João César Monteiro ou à la veine anthropologique d’un Pedro Costa. Producteur historique du premier -ils ont tourné une dizaine de films ensemble, de Amour de perdition, en 1979, à Un film parlé, en 2003, collaborateur occasionnel des deux autres (son nom est associé à Sylvestre, de Monteiro, et à Casa de lava, de Costa), Paulo Branco avance une explication à cet état de fait: « Le marché portugais est trop petit pour que l’on puisse juger de l’intérêt d’un film par son nombre de spectateurs. De là cette liberté qui y existe. » Et son corollaire, la floraison d’un cinéma indépendant auquel les festivals internationaux tiennent lieu de vitrine. Ainsi, tout récemment encore, à Locarno qui accueillait, l’été dernier, O Ornitologo, de João Pedro Rodrigues (auteur quinze ans plus tôt d’un mémorable O Fantasma), ou à Berlin voici quelques mois à peine, où le Colo de Teresa Villaverde, exploration toute personnelle du marasme économique lusitanien par la réalisatrice de Os Mutantes et Transe, devait frapper les esprits.

Outre une évidente parenté esthétique allant au-delà du seul usage du noir et blanc, Cartas da guerra partage avec le formidable Tabu de Miguel Gomes, découvert en 2012, une même maison de production, O Som e a Fúria, société ayant le cinéma d’auteur dans son ADN. Et ayant manifestement fait de l’audace sa marque de fabrique -démonstration avec le film épistolaire fascinant d’Ivo M. Ferreira, ou encore avec LesMille et Une Nuits de Gomes, et leurs six heures défiant les normes cinématographiques. On attend la suite avec impatience, et notamment Império Hotel, prochain opus de Ferreira coproduit avec la société macanaise Inner Harbour Films. Et où affleure, ne se fait-il faute de préciser, « le parfum de décadence d’un empire », motif décidément inépuisable.

J.F. PL.

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