En eaux troubles

Habitué des enquêtes vintage à tiroirs, Matt Kindt s’attaque au thriller contemporain, et en l’espèce abyssal, à 9 000 mètres de profondeur.

 » Dans l’espace, personne ne vous entend crier« , assénait la bande-annonce d’ Alien. Grâce à Matt Kindt, on peut confirmer qu’au fond de l’océan, c’est pareil. Et quand on dit au fond, c’est vraiment tout au fond: précisément à 9 000 mètres sous le niveau de la mer, là où, dans un futur proche, le professeur Hari Hardy a installé Dept. H, un modèle de base scientifique  » devenu symbole de progrès, d’optimisme et d’espoir » dans un monde qu’on devine bien plombé. Sauf que le professeur est mort, tué par l’effondrement d’une capsule. Un accident étrange, qui n’en est peut-être pas un. Sa fille Mia se rend sur place malgré son aversion de l’eau et n’a que quelques heures devant elle pour examiner les lieux du décès et en enregistrer tous les éléments -la base a été sabotée et sera totalement inondée dans les 24 heures. Heureusement que Mia a une mémoire parfaite et se souvient de tout:  » je suis incapable d’oublier des choses que je préfèrerais oublier. Et j’ai beaucoup de mal à pardonner« . Mia doit donc se dépêcher pour découvrir qui des sept membres de l’équipage a, peut-être, assassiné son père. Mais l’on sait déjà après ce premier volume que Matt Kindt ne se contentera pas de produire un Cluedo sous-marin. Avec lui, chaque détail compte, et il faudra sans doute relire le tout le jour du dénouement.  » J’aime les livres où, une fois arrivé à la fin, on comprend qu’on a manqué quelque chose, qu’on va devoir le relire et s’y plonger totalement« , nous expliquait l’auteur au dernier festival d’Angoulême. Dans le cas présent, il ne pouvait mieux dire.

En eaux troubles

Ivresse des profondeurs

Quelle bonne idée -une de plus- de Matt Kindt, de réinventer ainsi le principe du huis clos étouffant en remplaçant l’espace par la flotte! Les atmosphères sourdes et dérangeantes n’en sont que plus moites et réussies, pour un thriller comme toujours aussi, chez lui, original et ambitieux: Dept H. fut édité dès 2016 chez Dark Horse Comics en 24 épisodes distincts, formant un énorme puzzle de plus de 700 pages! 700 pages désormais découpées en quatre gros volumes que Futuropolis promet de publier sur une année. L’immersion n’en est que plus forte, donnant au storytelling oppressant de Matt Kindt toute l’ampleur qu’il mérite. Un storytelling à la précision d’horloger suisse rehaussé cette fois-ci par les couleurs directes et à l’aquarelle réalisées par son artiste d’épouse, et par l’imaginaire que l’auteur a dû déployer ici, en lieu et place des références vintage qui d’habitude hantent ses récits, comme dans le récent Du sang sur les mains, déjà événement. Dans Dept. H, Matt Kindt s’invente des bases et des véhicules sous-marins d’une grande originalité, en plus de toute une faune abyssale. Le tout pour une expérience anxiogène à ne pas manquer.

Dept. H – meurtre en grande profondeur (t.1)

De Matt Kindt et Sharlene Kindt, Éditions Futuropolis, 168 pages.

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