Dig, c’est du belge

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SAMPLÉ PAR J DILLA, RENÉ COSTY (1918-1997) EST CÉLÉBRÉ VIA UNE DOUBLE ANTHOLOGIE DE TOUTE GRANDE CLASSE, ENTRE SAILLIES FUNKY ET TRIPS CINÉMATOGRAPHIQUES.

René Costy

« Expectancy »

DISTRIBUÉ PAR SDBAN (NEWS)

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Vous avez aimé l’histoire d’André Brasseur? Comment l’organiste namurois aux millions de disques vendus a disparu? Comment il n’est pas mort -se retrouvant l’an dernier, à 76 ans, à l’affiche du Pukkelpop, et honoré aux Red Bull Elektropedia ET aux D6bels awards? Ça vous a plu? Vous en demandez encore? Alors écoutez l’histoire de René Costy. Elle est (à peu près) du même tonneau. René Costy fait en effet partie de ces « héros oubliés » de l’histoire musicale du plat pays. Des musiciens « obscurs » qu’une série de passionnés s’est donné pour mission de remettre dans la lumière. Parmi ces archéologues éclairés, on pense par exemple à Jan Delvaux (le livre Belpop, en néerlandais dans le texte) ou à Stefaan Vandenberghe (aka Dr Lektroluv, quand il passe derrière les platines). En 2014, ce dernier lançait l’enseigne SDBAN, entièrement consacrée au « patrimoine » local. Il inaugurait son catalogue avec une double compilation, baptisée Funky Chicken. Piochant dans le groove made in Belgium sixties-seventies, on y trouvait aussi bien les Chakachas que Placebo. Mais aussi, déjà, André Brasseur et, par trois fois, René Costy (deux sous son nom, une autre via The Rapture, duo formé avec Willy Albimoor). Vu la matière, il était clair que l’homme méritait bien une anthologie à lui tout seul. La voici…

Disparu en 1997, René Costy est né en 1918, fils de clarinettiste, petit-fils de trompettiste. Il débute ses gammes au Conservatoire de Verviers avant de poursuivre à Bruxelles, où le violoniste prodige finit par intégrer le Quatuor de la Reine Élisabeth. La guerre n’est pas loin. Pendant l’Occupation, les Allemands obligent le quartet à jouer aux funérailles d’un officier: sous peine d’être exécuté, Costy obtempère mais demande à pouvoir jouer derrière un rideau… Après le conflit, il continue sur sa lancée classique, devient enseignant, mais commence aussi à s’intéresser au jazz. On le surnommera bientôt le « Stéphane Grappelli belge ». Par la suite, il travaillera aussi pour la télévision, composant plusieurs génériques d’émissions. Mais ses plus grandes libertés, il les prendra avec ses morceaux destinés aux labels de library music, spécialisés dans les bandes-sons qui pourront être utilisées pour des documentaires, des reportages, à la télé ou au cinéma (porno, par exemple). En 72, il pond par exemple le morceau Scrabble pour le label Chappell. Quelques années plus tard, son break de batterie sera largement samplé par des cadors hip hop/trip hop comme Howie B ou J Dilla, inaugurant un nouveau culte underground autour du musicien belge.

En tout, ce sont ainsi quelque 400 titres que Costy composera. La compilation Expectancy en a retenu une petite trentaine, répartis en deux CD. Le premier, intitulé Grooves, s’attardant sur les séquences les plus funky de René Costy -dont le fameux Scrabble ou le rutilant Danger, tout en guitares wah-wah; le second, baptisé Scapes, se penchant lui sur ses morceaux plus expérimentaux et cinématographiques, à l’image de l' »hitchcockien » Anxiety.

LAURENT HOEBRECHTS

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