Désenchanté

Bradford Cox a collaboré avec Cate Le Bon et invité Tim Presley sur le huitième album de Deerhunter. La fin des illusions…

 » Why Hasn’t Everything Already Disappeared? » Pourquoi tout n’a-t-il pas encore disparu? Le titre du nouveau Deerhunter colle plutôt bien au teint blafard et à la personnalité nihiliste de Bradford Cox. Anti-héros du rock américain post-11 septembre et personnalité tourmentée à la tête de ce projet né pour la petite histoire l’année même où les tours new-yorkaises s’effondraient. Huitième album du Chasseur de cerfs, Why Hasn’t Everything Already Disappeared? n’est définitivement pas son disque le plus chaotique et bruitiste. Que du contraire. Mais il traite de disparitions. Celle de la culture, de la nature, puis aussi de la plus élémentaire humanité…

Musicalement, Cox et ses amis ont voulu réinventer leur approche des microphones, du drum kit, du clavecin comme celle des sons électromécaniques et synthétiques des claviers… Guitare acoustique, piano. La voix est claire, posée. On les a rarement entendus aussi gentils et musicalement apaisés. Mais les paroles, elles, affichent des teintes nettement plus sombres. Death in Midsummer est présenté comme la légende d’une photo de carnage (l’image, trouvée dans un bouquin, de gens qui s’extirpent de piles de corps) à Saint-Pétersbourg pendant la révolution russe. No One’s Sleeping a été inspiré par la mort le 16 juin 2016 de la travailliste Helen Joanne Cox, pro UE et pro réfugiés qui s’était fait tuer par un déséquilibré d’extrême droite (le mec avait crié  » Britain First« , au-delà de la signification littérale le nom d’un parti politique nationaliste, tout en menant l’agression)… Deerhunter prétend avoir signé un disque de science-fiction du présent. Peut-être tant ce présent nous semblait il y a peu encore inimaginable.

Désenchanté

Enregistré entre la Californie, le Texas et la Géorgie, Los Angeles, Tornillo, Marfa (principalement) et Atlanta, ces dix nouvelles chansons jonglent avec les ambiances sans jamais s’énerver. Greenpoint Gothic se la joue intermède instrumental et spatial. Element s’offre un choeur de cowboys. Plains joue avec la pop afrobeat et renvoie au tournage (à Marfa) de Giant par James Dean peu de temps avant sa disparition.

âgé de 36 ans, Cox s’est encore une fois bien entouré. Coproduit par le groupe avec Ben H. Allen (il avait déjà bossé sur Halcyon Digest et Fading Frontier), Ben Etter mais aussi Cate Le Bon (qui joue par ailleurs du clavecin, une des singularités du disque, et chante sur un morceau), Why Hasn’t Everything Already Disappeared? voit aussi le partenaire de Cox au sein de Drinks, Tim Presley, jouer de la guitare sur Futurism… Dada était une réaction aux horreurs de la guerre.  » Le punk répondait à la lenteur et au vide des seventies. Et le hip-hop questionnait la représentation des Afro-Américains. Mais à quoi la musique populaire réagit-elle aujourd’hui?« , questionne la bio envoyée par son label 4AD. Deerhunter, s’il ne signe pas son album le plus excitant, a de quoi remédier à sa récurrente inutilité.

Deerhunter

« Why Hasn’t Everything Already Disappeared? »

Distribué par 4AD.

7

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