Dans le Jungle, terrible Jungle

Dédié à la création contemporaine dans l’illustration jeunesse, le festival Jungle revient ce week-end à Liège: une multitude d’expos, d’ateliers et de rencontres pour célébrer l’image et ses pas de côté.

Si la littérature jeunesse ne manque pas de visibilité, les images qui la composent, elles, continuent d’être sous-représentées. Surtout lorsqu’elles sont émergentes, contemporaines et alternatives, au sens de « différentes ». C’est en tout cas le constat que tire depuis quelques années Vincent Mathy, illustrateur et prof, à l’origine avec une poignée de convaincus de ce festival Jungle, dont la première édition, en 2016, avait attiré plus de 2000 personnes:  » La lecture, c’est aussi l’image, et pourtant, elle reste le parent pauvre de l’éducation. On te dit dès six ans qu’il faut quitter l’image pour le texte, alors que l’image est et reste omniprésente. Mais on n’apprend plus à lire une image. Quand je fais des ateliers dans des classes de primaire, il suffit que je leur dessine un cochon vert pour que les élèves soient perdus. Ils ne comprennent pas, tant ils sont habitués à voir les images utilisées seulement comme des représentations du réel, même dans l’imaginaire. Les images, comme beaucoup d’autres choses, sont de plus en plus normées, contrôlées, par les parents, les éditeurs ou les éducateurs. Or plus on norme, moins on éduque. »

Dans le Jungle, terrible Jungle

Bienvenue dès lors dans le festival Jungle, où les images et les artistes émergents reprennent le pouvoir.  » Nous, on préfère plutôt parler de « livre jeunesse », complète Philippe Marczewski, cheville ouvrière de la librairie Livre aux Trésors, co-organisateur de Jungle.  » Ce serait quoi, un bon livre jeunesse? Sans doute un livre qui conduit ses lecteurs vers l’indépendance. Or il faut les mettre en contact avec ces livres-là, et avec des images qui demandent peut-être à s’arrêter devant, capables de provoquer des émotions esthétiques. » Et dont l’intérêt dépasse largement le seul cadre de l’enfance. La preuve par cette deuxième édition, plus utile, ludique et protéiforme que jamais.

Dans le Jungle, terrible Jungle

Quel(s) espace(s) pour la créativité?

Outre l’imposant chapiteau qui sera placé sur la place Xavier-Neujean, face à la librairie, pour accueillir auteurs, éditeurs, signatures et ateliers, le festival Jungle a essaimé sa fraîcheur, son esprit et ses expositions à travers toute la ville, notamment via le thème principal choisi pour cette deuxième édition, à savoir « Le jeu dans la ville »: par le biais des livres, d’expositions, d’ateliers en rue, de rencontres et de projections, le festival s’interroge sur l’espace réservé aujourd’hui dans nos villes au jeu et à la créativité. Trois installations inédites « designees » par des artistes contemporains seront entre autres installées au centre culturel Les Chiroux, en même temps que l’exposition Press Play qui reviendra sur 60 ans d’évolution des plaines de jeux. Autre axe important, celui accordé, après la Norvège, à l’illustration tchèque, qu’elle soit contemporaine -via les expositions de deux jeunes auteures- ou historique, via une grande rétrospective consacrée à l’oeuvre de Jiri Salamoun et une sélection d' »Images tchèques » représentatives de l’incroyable histoire picturale du pays. Deux expos à voir cette fois au cercle des Beaux-Arts et qui, comme la plupart des expositions présentes à Jungle, se prolongeront quelques semaines.  » L’idée c’est de mettre en avant les auteurs émergents, concluent les compères, en recréant du lien entre le public et les auteurs: la médiation autour du livre, ce n’est pas que des auteurs derrière des tables. Nous voulons que tout le monde soit dans l’action: tous les auteurs sont logés chez l’habitant et on espère bien assister à de vraies rencontres, comme il y a deux ans, quand par exemple un auteur s’est mis à dessiner à la craie, sur le sol, en compagnie des enfants. »

Jungle #2, du 20 au 22/04, entre autres sur et autour de la place Xavier-Neujean, 4000 Liège. www.festivaljungle.be

Jungle et Botanique

Difficile de ne pas le remarquer: quelques auteurs mis en avant par le festival Jungle ont accepté, en exclusivité, d’illustrer nos pages consacrées aux incontournables Nuits Botanique. Loïc Froissart s’est chargé de la couverture; adepte d’une ligne claire décomplexée, le Lillois développe un style très personnel qui tord la réalité dans tous les sens. Un univers coloré et optimiste à voir entre autres dans son dernier ouvrage, Le jour où les ogres ont arrêté de manger les enfants (éd. du Rouergue). Florie Saint-Val possède, elle, un univers graphique farfelu et coloré qui s’inspire de l’art brut et du dessin d’enfant dont elle admire la spontanéité. Son langage graphique original séduit les exigeantes éditions MeMo qui collaborent avec l’illustratrice depuis 2010. Dernier exemple: Otto, avec Étienne Exbrayat. Le travail graphique d’ Anne Brugni est lui aussi immédiatement reconnaissable, avec des illustrations composées de figures abstraites et organiques qui rappellent les éléments naturels. Dans Chemin, paru chez Articho, elle narre ainsi le parcours de vie d’un… caillou. Elle réalise également une des installations de l’expo Aire de Jeux, tout comme Paul Loubet, qui a également réalisé l’affiche de ce festival Jungle #2, et dont le travail touche à des domaines aussi divers que la peinture, l’illustration, le tatouage, la peinture murale ou le livre. Enfin, c’est Etienne Beck qui clôt le casting, capable lui de passer d’une BD adulte plutôt trash (plusieurs albums au FRMK) aux livres jeunesse pointus de chez MeMo. Merci à eux.

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