Culture d’entreprise

Un an à peine après le carton de Culture, Migos livre une suite aux proportions gargantuesques. Attention à l’indigestion…

On pourra reprocher beaucoup de choses aux rappeurs, sauf de la jouer à l’économie. Si le hip-hop vit aujourd’hui un nouvel âge d’or, c’est non seulement une question de qualité, mais aussi de quantité. Migos, par exemple. Un an pile-poil après la sortie de son album précédent, le trio d’Atlanta formé par Quavo, Takeoff et Offset est déjà de retour. En l’occurrence, il s’agit de taper sur le fer tant qu’il est chaud, tant leur dernier disque a pu marquer les esprits. Avec Culture, le but avoué était en effet moins de squatter les caves de l’underground que d’investir les haut-plateaux de la pop contemporaine (le tube Bad & Boujee). Résultat: aujourd’hui, (presque) personne ne tique quand Migos est désigné comme le groupe le plus influent de son époque, « tous genres confondus », par le Rolling Stone. Empochant un Grammy (meilleur album rap 2017), le trio a traîné ces derniers mois aussi bien dans un clip de Katy Perry ( Bon appetit), que dans un tube de Calvin Harris ( Slide avec Frank Ocean). Copié jusqu’à… MC Solaar, le trio est devenu la nouvelle icône incontournable d’une industrie musicale qui compte plus que jamais sur les chiffres de streamings du hip-hop. Il ne fallait donc pas s’étonner de voir les trois rappeurs remettre rapidement le couvert.

La tactique du boa

Avec Culture 2, la tactique est limpide. Après avoir fait le break, Migos veut plus que jamais enfoncer le clou. Vous avez aimé l’épisode précédent? Pas bégueules, les rappeurs vont vous en donner deux fois plus. Deux fois plus de fantaisies bling-bling, de montres en or ( Too Much Jewelry, avoue le trio), de dope ( Narcos), de grosses bagnoles, de décadence nihiliste friquée, de skrr, brrr, prrrr, et autres gimmicks sonores parsemés un peu partout.

Culture d'entreprise

Tel un boa s’enroulant lentement et sournoisement autour de sa proie, Culture 2 cherche ainsi l’asphyxie. Attentif à cultiver sa modernité, Migos présente volontiers son disque comme une « playlist » sur les plateformes de streaming, le nouveau format à la mode. Il ne faut cependant pas se tromper: le principe est bien celui d’un disque-marathon, quasi un double album, proposant pas moins de 24 morceaux, une heure quarante-cinq de musique en tout. Dans un genre qui cultive une certaine monochromie/tonie, la question n’est donc pas de pointer ici ce qui pourrait faire remplissage – Culture 2 peut bien se traîner ici et là, il n’est jamais vraiment ennuyeux-, mais bien de repérer ce qui détonne. Produit par Pharrell Williams, le single Stir Fry est ainsi ce qui se rapproche le plus du carton pop instantané, sans pourtant trahir ses fondamentaux. De son côté, Too Playa inclut une ligne de saxo qui renvoie au jazz, tandis que Made Men sonne presque r’n’b, alors qu’en bout de course, Culture National Anthem fait mine de s’aventurer, timidement, sur le terrain politique ( » My people pray and take a knee/We don’t need stripes ’cause we got bright stars »). Soit de brefs écarts de conduite sur une route balisée. Plaisir hypnotique des longs trajets en ligne droite…

Migos

« Culture 2 »

Distribué par Universal.

7

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