Casse-kraut

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Une bande de Londoniens des bois, kraut et arty, slaloment entre Can, Goat et Konono. Obsédant et addictif.

Snapped Ankles

« Come Play the Trees »

Distribué par Leaf/Konkurrent.

9

Six ans après leur naissance sur les rives les plus kraut, hypnotisantes, arty, mais underground, de la Tamise, dans une espèce d’entrepôt transformé en espace communautaire et culturel, les chamans londoniens de Snapped Ankles sortent de leur grotte un redoutable premier album sous le bras. À l’époque, ces drôles de bestioles étaient décidées à faire valdinguer les barrières entre la musique, le 7e art et puis les autres aussi tant qu’on y était. Une de leurs créations, Drum Cinema, réunit des scènes de Blue Velvet, de Peeping Tom et de Misery. Film d’où est tiré le nom du groupe. Son réalisateur est même présenté comme l’un de ses membres non officiels.

Snapped Ankles revendique aussi l’influence de Jean-Luc Godard. Jonny Guitar Calling Gosta Berlin, titre clin d’oeil à Greta Garbo et pierre angulaire du disque, huit minutes répétitives et obsédantes qui filent le torticolis et mettent des fourmis teutonnes dans les jambes, puise son inspiration dans Week-end. Teutonnes oui. Snapped Ankles aime le rock choucroute, a bien étudié son Can et son Neu!, mais se revendique aussi, en partie ce qui fait son charme, de Lightning Bolt et de Fela Kuti.

Un tigre dans le moteur

Snapped Ankles a donné ses premiers concerts entre des performances d’artistes et a commencé sa carrière en écrivant des chansons de Noël. Aujourd’hui, les Anglais fabriquent leurs propres instruments, se planquent sous des masques de fortune piqués à on ne sait quelle tribu et dans d’étranges combinaisons en filets de pêche et poils de yak… Aussi référencé, cérébral et conceptuel que libre, psychédélique et obsédant, Snapped Ankles aime les rythmes motoriques du kraut, le psychédélisme mystérieux de Goat et l’exotisme bricolo de Konono. C’est pas moi, c’est Murphy. Vas-y James, sors de ce corps. The Invisible Real That Hurts sonne comme une chute de LCD Soundsystem. Hanging With the Moon fait du Clinic avec des percus africaines. Et Let’s Revel s’aventure sur les terres d’Holy Fuck. Passionnant et excitant de bout en bout, Snapped Ankles flirte avec The Moonlandingz (I Want My Minutes Back) et sort son tout premier 45 tours, True Ecology, des tiroirs. Là où Come Play the Trees Outro, dernière plage du disque, se la joue à la coule façon Whitest Boy Alive… Quand ils ne se prennent pas pour des hommes arbustes (l’album s’appelle Come Play the Trees), les Londoniens font grimper aux arbres et danser autour des souches. Les Snapped Ankles sont à leur manière singulière un trait d’union entre la modernité et l’imagerie occulte ancestrale. Une invitation à s’abandonner et à se retourner la tête. À simultanément se promener dans les caves germaniques, arpenter les squats de Madchester et visiter les bouis-bouis de Kinshasa. La claque du mois.

Julien Broquet

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