Carnaval tribal

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

COUP TRIPLE DANS LES MAROLLES: DERRIÈRE CALAVERAS SE CACHENT UN ESPACE SOUS INFLUENCE MEXICAINE, UN STUDIO DE GRAPHISTES, MAIS SURTOUT… UNE EXPO MONSTRE.

SABBAT

CALAVERAS, 15 RUE DES RENARDS, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 17/04.

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Ils sont trois: Simon Vansteenwinckel, Cédric Volon et Mathieu Van Assche. Ensemble, ils ont créé Dirk, un studio graphique turbulent. Les bureaux de celui-ci se trouvent à l’arrière de Calaveras, une boutique dédiée aux arts graphiques proposant estampes, éditions limitées et flacons de mezcal. Ouvert depuis la mi-décembre 2016, le lieu transpire la fascination de Cédric Volon pour le Mexique, pays dans lequel il a résidé et où il a mené un projet similaire. Calaveras -« crânes » en Espagnol, une référence directe à la truculence de la Fête des Morts telle qu’elle s’exprime du côté d’Oaxaca et de Mexico- fait également place à une pièce carrée dans laquelle sont exposés chaque mois des artistes belges et internationaux. Jusqu’au 17 avril, ce sont les compères immédiats de Cédric, Mathieu et Simon, qui squattent les cimaises. SABBAT donne à voir une petite trentaine d’oeuvres -douze photographies de Simon Vansteenwinckel et seize gravures sur cuivre de Mathieu Van Assche. Sombre, cohérent et magnétique, l’univers proposé puise son inspiration au coeur du Carnaval sauvage. Cet événement autonome et marginal, lié aux Marolles, se déroule depuis cinq ans dans la capitale. Son principe? Une parade urbaine et primitive dont la finalité est de « réveiller le sauvage en chacun de nous« . Raison pour laquelle les organisateurs se passent de toute autorisation et veillent à ce qu’il n’y ait aucune récupération commerciale. Les costumes? Ils sont improvisés avec tout ce qui peut être récupéré parmi les rebuts du marché de la place du Jeu de Balle. Le tout pour un joli coup de force consistant à « transposer une esthétique d’homme-sauvage en se servant des matériaux que nous trouvons ici en tant qu’êtres urbains« , comme l’expliquait l’un de ses organisateurs au site Pointculture.be.

Cauchemar originel

Cette matière première carnavalesque et féconde est maniée avec beaucoup de respect par les deux compères. Pas question pour eux de s’en servir comme d’un bon filon façon « take the money and run ». C’est particulièrement vrai dans le travail de gravure de Van Assche, qui prend ses distances avec l’image de départ. Il s’en sert pour sublimer le caractère monstrueux de cette fête païenne, l’emmener vers plus de chaos et de désobéissance. Les visages et les présences humaines sont gommés au profit d’une imagerie enflée et grimaçante dont Bruxelles constitue la toile de fond. Le lien qui s’établit spontanément entre les déguisements de fortune et la référence qui frappe l’esprit -l’esthétique pratiquée par le photographe Charles Fréger, notamment à travers sa série Wilder Mann– n’en est que plus évident. Les compositions en aquateinte ne font pas seulement remonter les siècles, elles touchent également à une dimension de frayeur, de formes qui s’étirent pour devenir spectrales. Il n’en faut pas plus pour renouer avec des cauchemars de l’enfance, ceux dans lesquels la menace est indistincte et, de ce fait, encore plus paralysante. Les photographies de Vansteenwinckel, quant à elles, restituent de façon plus immédiate cette étrange messe primitive, même si l’intéressé scanne ses tirages argentiques et en retouche les lumières ensuite. Une lumineuse noirceur en résulte dont le cortège défile longtemps devant les yeux.

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MICHEL VERLINDEN

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